(i) Le nouvel article L.600-5-2 du Code de l’urbanisme (créé par la Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite Loi « ELAN ») prévoit désormais que devant les Juridictions administratives, la légalité de l’arrêté valant permis de construire modificatif est, exclusivement, appréciée dans le cadre de l’instance en cours sur le recours dirigé contre le permis de construire initial.
Le texte fixe deux conditions :
- Qu’une instance portant sur l’appréciation de la validité du permis de construire initial soit effectivement en cours devant la Juridiction administrative ;
- Et que ce permis de construire modificatif ait été communiqué en cours d’instance aux parties concernées.
A défaut le requérant conserve la faculté de contester le permis de construire modificatif par la voie d’un recours pour excès de pouvoir « classique ».
(ii) Par un arrêt en date du 15 février 2019 (CE, 15 fév. 2019, n°401384), le Conseil d’État a confirmé que les dispositions du nouvel article L.600-5-2 du Code de l’urbanisme sont d’application immédiate, aux instances en cours au 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur de la Loi « ELAN ».
Bien que d’application immédiate, le texte questionne. Dans le cadre de l’instance en cours, et en pratique qui communique quoi et quand ? notamment eu égard au délai de deux mois de recours des tiers contre le permis modificatif.
Selon le texte, il est indifférent que la transmission du permis modificatif au greffe de la Juridiction administrative soit faite par le requérant et/ou le bénéficiaire et/ou la Commune. A l’évidence, elle intervient à la main, et à l’avantage, de la partie qui y a intérêt. Ensuite, le greffe assure une diffusion contradictoire à l’ensemble des parties à l’instance.
Le pétitionnaire, comme la Commune, ont intérêt à communiquer un permis de construire modificatif qui ambitionne de régulariser les vices allégués par le requérant contre le permis initial. En principe, ils devraient pouvoir le communiquer tant que l’instance sur le recours contre le permis de construire initial est en cours. Le Pétitionnaire, comme la Commune, pourraient vouloir prendre avantage en communiquant l’arrêté accordant le permis de construire modificatif, postérieurement à la purge du délai de recours des tiers…
Le requérant peut avoir quant à lui intérêt à le communiquer, pour en contester la régularité. Dans le silence du texte, il y a tout lieu de penser, que le requérant, doit, transmettre au Greffe de la Juridiction, le permis de construire modificatif, dans le délai de deux mois à compter de son affichage continu sur le terrain ; délai en effet imparti aux tiers pour former un recours pour excès de pouvoir contre tout permis de construire.
La sécurité juridique – qui au demeurant sous-tend les réformes actuelles du contentieux de l’urbanisme – l’impose.
Dès lors, on voit poindre les difficultés pratiques.
Si le requérant ne transmet pas au greffe le permis de construire modificatif, dans le délai de deux mois à compter de son affichage, le permis modificatif est en principe définitif et insusceptible de recours.
Toutefois, et si le pétitionnaire et/ou la Commune le transmettent (le cas échéant et à dessein postérieurement à la purge du délai de recours de deux mois) le requérant pourra t’il arguer de cette communication, pour contester la validité du permis de construire modificatif (ce qui reviendrait de facto à remettre en cause le délai de recours), ou sera-t-il considérer comme forclos compte tenu de la purge du délai de recours.
La solution n’est pas évidente. A fortiori, compte tenu de la connexité entre le permis de construire initial et le permis de construire modificatif.
(iii) Devant ce texte nouveau, et qui interroge quant à ses modalités d’application et à ses effets, le décret d’application, qui devait possiblement répondre à ces questionnements, était attendu des acteurs et juristes de la construction.
Le Décret n° 2019-303 pris pour l’application de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme est intervenu le 10 avril 2019 (JORF n°0087 du 12 avril 2019 texte n°34).
Il en ressort limitativement :
- D’une part, que la contestation du permis de construire modificatif n’est pas assujettie à l’obligation de notification des recours (L’article R.600-1 du Code de l’urbanisme est complété d’un 4ème alinéa qui exclut son application en cas de contestation d’un permis modificatif) ;
- Et d’autre part, que la cristallisation des moyens est aménagée à cet élément nouveau intervenant en cours d’instance (L’article R.600-5 du Code de l’urbanisme est complété d’un nouveau second alinéa qui prévoit que les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à l’encontre du permis modificatif passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant).
Le décret d’application est pour le moins limité.
Il n’apporte pas de réponse franche aux questions pratiques qui se posent.
Faute d’éléments plus concrets et précis dans le décret, il est probable que ce régime législatif et réglementaire nouveau, qui faut-il le rappeler a pour objectif de limiter et de sécuriser le contentieux des autorisations d’urbanisme, génère à l’avenir des moyens et débats judiciaires nouveaux.
A suivre donc.