Xavier Lagarde, Professeur agrégé des facultés de droit, Avocat associé et directeur scientifique du cabinet
La médiation donne aux parties la maitrise de l’issue du litige
Question : Pourquoi recourir à la médiation dans le contentieux des affaires ?
Réponse X.L. : Tout simplement parce qu’un procès dure longtemps, que son issue est aléatoire et son coût généralement élevé, au moins lorsque les procédures s’éternisent. De surcroît, celles-ci peuvent faire une mauvaise publicité aux entreprises concernées. L’arbitrage offre il est vrai une certaine discrétion et, dans l’ensemble, une justice de grande qualité. Mais l’aléa demeure et le coût souvent prohibitif pour des opérateurs de taille moyenne. La médiation, en tout cas l’issue négociée, est donc souvent préférable. Elle donne la maitrise de la solution du litige, elle opère rapidement et les frais qu’elle engendre restent raisonnables.
La médiation est un remède, attention, elle ne fait pas de miracles
Question : A vous entendre, on a l’impression que la médiation est le remède miracle ?
Réponse X.L. : C’est un remède parmi d’autres. Croire que la médiation fait en toute occurrence des miracles est une vue de l’esprit. Elle fonctionne dans certains cas, bien moins dans d’autres. Au reste, la médiation est plurielle. Il vaudrait mieux d’ailleurs parler de résolution amiable des différends, ce qui laisse entendre une pluralité de méthodes disponibles, qu’il faut savoir utiliser en considération des particularismes de tels ou tels litiges.
Les différents visages de la médiation : restauration, solution, « paix des braves »
Question : quels sont donc les différents types de médiation ?
Réponse X.L. : Empiriquement, j’identifie trois modèles. La médiation peut d’abord se comprendre comme une réparation. Elle permet ainsi de restaurer une relation d’affaires durable, un temps obstruée par le litige que, précisément, la médiation permet de dépasser. La médiation peut être aussi une solution qui fonctionne alors comme un substitut de la décision de justice. Les parties n’ont pas vocation à poursuivre leurs relations, mais elles veulent se séparer dans des conditions juridiquement acceptables et elles sollicitent le médiateur aux fins qu’il les identifie. Il existe enfin ce qu’on pourrait appeler la médiation « paix des braves » qui intervient au cours de procès interminables et qui réussit parfois. Le droit est très incertain et il faut alors un médiateur d’expérience qui permette aux parties de comprendre où se trouvent les clefs d’une sortie équitable.
Une bonne médiation suppose évidemment des capacités d’écoute,
Elle requiert également une solide expertise juridique.
Question : dans ces différentes formes de médiation, j’imagine que vous ne préconisez pas la même méthode ?
Réponse X.L. : Vous avez tout-à-fait raison. En fait, je pense qu’il y a deux méthodes. Elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre et, au reste, elles n’existent pas à l’état chimiquement pur, si j’ose dire. Elles constituent en quelque sorte 2 modèles, deux points entre lesquels il y a tout un nuancier de méthodes à exploiter selon la posologie adaptée. Le premier modèle, c’est celui, pourrait-on dire, de la thérapie. Le médiateur doit alors se garder de formaliser le différend, il confie les parties plutôt qu’il ne les entend, il évite les confrontations contradictoires et les échanges d’arguments, il voit les intérêts bien plus que les droits. Le second modèle, c’est celui de l’expertise. Il fonctionne déjà très bien dans les expertises avant tout procès.
Il n’est pas rare que, dans les domaines techniques comme celui de la construction, les parties s’entendent sur les conclusions de l’expert désigné dans els conditions de l’article 145 du CPC.
Mais dans la médiation, l’expertise peut être étendue au domaine du droit. Le médiateur est souvent entendu du fait qu’il est en capacité d’expliciter de manière sérieuse ce que serait l’issue probable du litige s’il faisait l’objet d’un règlement juridictionnel. Les parties veulent savoir et se décider en connaissance de cause. C’est une autre façon de faire de la médiation, qui fonctionne tout aussi bien que la première. Il faut savoir manier les deux outils.