Droit de la construction : le jeu de la suspension des délais d’action

Laurence de Montauzan avocate DLBA et Associés
Par Laurence de Montauzan.
Article paru dans Le journal du Management juridique et réglementaire N°74
Voir la revue

Comme en toute autre matière contentieuse, en droit de la construction, la maitrise des délais est essentielle, et cette maîtrise reste d’autant plus délicate qu’il existe encore d’importantes zones d’ombre.

Cette maîtrise passe notamment par la nécessité d’interrompre ou encore de suspendre (si possible) en temps utile les délais d’action vis-à-vis des (potentiels) responsables, le temps que lumière soit faite sur la nature, la cause, les effets, les solutions réparatoires des désordres objets de l’action, et ceci souvent dans le cadre d’une expertise judiciaire qui peut s’avérer longue.

L’interruption et la suspension n’emportent pas les mêmes effets : la première fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (article 2231 du code civil), la seconde suspend temporairement le cours du délai, sans effacer le délai déjà couru (article 2230 du code civil).

La réforme issue de la Loi du 17 juin 2008 a intégré de nouveaux cas de suspension du délai de prescription, dont on aurait pu penser, et même espérer, qu’ils puissent trouver plus largement application en contentieux de la construction :

  • L’article 2239 du code civil en vertu duquel la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d’expertise in futurum, le délai de prescription recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois, à compter du jour où la mesure est exécutée (donc à compter du jour du dépôt du rapport).
  • L’article 2238 du code civil qui prévoit que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation (…) la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative.

Il résulte cependant de l’article 2220 du code civil que les causes de suspension prévues aux articles précités ne sont pas applicables aux délais de forclusion.

Or les recours à engager en droit de la construction peuvent relever soit du régime de la forclusion, soit du régime de la prescription. Il faut donc revenir en premier lieu sur la qualification des délais d’action en la matière pour ensuite déterminer si la suspension du délai d’action est possible. (1)

Par ailleurs, la Cour de Cassation est venue récemment préciser les conditions d’application de la suspension, conditions qu’il ne faut pas occulter. (2)

L’on s’interrogera enfin, sur la portée de ces règles dans le contexte actuel de réforme de la procédure civile et de « promotion » des modes alternatifs de règlement des litiges. (3)

1. LE JEU DE LA SUSPENSION DÉPEND DE LA QUALIFICATION DU DÉLAI D’ACTION

La règle parait simple : les dispositions des articles 2233 et suivants du code civil ne sont pas applicables aux délais de forclusion. Elles le sont en revanche aux délais de prescription.

Mais la notion de forclusion n’étant pas définie par la Loi, il faut donc se référer à la jurisprudence en la matière, jurisprudence qui n’a pas encore répondu à toutes les questions que nous pouvons nous poser et qui de fait est susceptible d’évoluer.

Il faut donc préciser qu’il a été jugé que doivent être qualifiés de délais de forclusion :

  • Le délai décennal de l’article 1792- 4-1 du code civil (Cass. 3ème Civ. 10 novembre 2016, n°15-24289 : « la suspension de la prescription n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale » ; Cass. Civ. 3ème 19 septembre 2019, n°18-15833) ;
  • Le délai d’un an de la garantie de parfait achèvement de l’article 1792-6 du code civil (Cass. 3ème Civ. 23 février 2017, n°15-28065) ;
  • Le délai de garantie du vendeur de l’immeuble à construire applicable aux vices de constructions et défauts de conformité apparents, tel que fixé à l’article 1648 du code civil (Cass. 3ème Civ. 3 juin 2015, n°14-15796 ; Cass. 3ème Civ. 11 Juillet 2019, n°18-17856).

Il faut préciser également qu’il a été jugé, mais avant l’entrée en vigueur de la Loi du 17 Juin 2008, que le délai biennal de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil (Cass., 3èmeCiv., 4 novembre 2004 n° 03-12.481) est un délai de forclusion. Au vu de la jurisprudence susvisée sur les autres garanties légales, il semble qu’il faille considérer que ce délai reste un délai de forclusion.

Tout n’est évidemment pas encore réglé. Des discussions et des incertitudes demeurent d’autant que n’a pas été tranchée la question de la qualification des délais fixés par l’article 1792-4- 2 du code civil, ou encore de celle du délai fixé par l’article 1792-4-3 du code civil.

Les praticiens s’accordent à considérer que par sécurité, il vaut mieux considérer que tous les délais d’action en matière de droit de la construction relèvent du régime de la forclusion.

En d’autres termes, il vaudrait donc mieux en l’état ne pas compter sur le jeu d’une suspension éventuelle et engager l’action, elle-même nécessairement interruptive, l’article 2241 du code civil ne laissant pas de place au doute, peu importe la qualification de l’action « la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Ceci étant, il faut préciser enfin, que s’agissant du délai de prescription biennale régissant les rapports entre assuré et assureur, tel que fixé par l’article L 114-1 du code des assurances, il peut être déduit de plusieurs arrêts que ce délai n’est pas un délai de forclusion et qu’en conséquence la suspension du délai de prescription, telle que prévue par l’article 2239 du code civil peut trouver à s’appliquer (Cass. Civ. 2ème 19 mai 2016, pourvoi n°15-19792).

2. LES CONDITIONS D’APPLICATION DE LA SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION RÉCEMMENT PRÉCISÉES PAR LA COUR DE CASSATION

Il sera rappelé en premier lieu que les dispositions relatives aux nouvelles causes de suspension issues de la réforme du 17 Juin 2008 ne valent que pour la période postérieure à son entrée en vigueur (Cass. Civ. 5 septembre 2012, n°11-19200). Ainsi, il a pu être jugé qu’une mesure d’instruction in futurum ordonnée antérieurement à la réforme n’emportait pas suspension des délais en application de l’article 2239 du code civil, et ce alors même que les opérations d’expertise étaient en cours à la date de la réforme (Cass. Civ. 2ème 3 octobre 2013, n°12-22908 ; Civ.3ème 6 juillet 2017, n°16-17151 ; Com. 28 mars 2018 n°16.27268).

Concernant l’effet suspensif attachée à la demande d’expertise in futurum prévu à l’article 2239 du code civil, il a été jugé récemment que la suspension n’opère évidemment qu’au bénéfice du demandeur (Cass. Civ 2ème, 31 janvier 2019, n°18.10.011).

Enfin, il faut faire état d’un arrêt très récent de la Cour de Cassation du 17 octobre 2019 (n°18-19611) concernant la portée de la suspension de l’article 2239 du code civil, qui précise qu’une demande d’expertise in futurum sur les causes et conséquences de désordres n’emporte pas suspension du délai de prescription applicable à l’action en annulation du contrat. En d’autres termes, la demande initiale ne tendant pas au même but que la demande d’annulation, l’ordonnance de désignation d’expert ne suspend pas le délai de l’action en annulation.

3. EN CONCLUSION

Force est de constater le champ d’application limité de la suspension en contentieux de la construction dès lors que la plupart des délais d’action en ce domaine spécifique sont qualifiés par la jurisprudence de délais de forclusion.

Ainsi qu’il a été vu, ni la suspension applicable en cas de demande d’expertise in futurum (article 2239 du code civil), ni la suspension en cas de mise en oeuvre de la procédure de médiation ou de conciliation (article 2238 du code civil) n’ont vocation à s’appliquer aux délais de forclusion. Cette situation s’avère décevante d’autant plus dans le contexte actuel et alors que les modes amiables de règlement des litiges sont présentés comme des solutions alternatives qui doivent aujourd’hui être prises en compte.

En l’état, même si ces modes peuvent évidemment être envisagés, encore parait-il nécessaire à titre préalable ou bien en parallèle de formuler une demande en justice, toujours dans le souci de maitriser les délais d’action.

La période juridiquement « anesthésiée »

Xavier LagardeProfesseur à l’Ecole de Droit de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Avocat associé et Directeur scientifique de DLBA, Société d’avocats

Pour permettre un traitement approprié des choses du droit pendant l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a forgé la notion nouvelle de « période juridiquement protégée ». Par l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l’Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, puis par l’ Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, puis encore par celle du 3 juin 2020 (n°2020-666), il a été décidé d’aménager les « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ». La succession de ces textes, en un temps exceptionnellement resserré, qui plus pour traiter d’un même objet, témoigne du désarroi des pouvoirs publics. Les règles qu’ils posent sont à l’image de la France en temps de confinement. Elles ont mis le Droit en état d’anesthésie générale. Ces dispositions rédigées et remaniées dans l’urgence sont souvent mal ficelées. En pratique, elles ont dans l’ensemble été bien comprises.

1.- Les praticiens ont tout d’abord bien compris que la « période juridiquement protégée » n’emportait pas, en termes généraux, suspension ou interruption des délais et situations en cours. Par exemple, un délai de prescription ayant commencé à courir avant le début de cette période, ou même pendant cette dernière, et dont le terme vient postérieurement, s’écoule conformément au droit commun. Ainsi, une prescription qui expire le 25 juin 2020 produit tous ses effets, spécialement l’extinction du droit d’agir en justice, à cette date. La période juridiquement protégée a pour seul effet de prolonger, sauf dérogations apportées par l’ L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, d’un mois ou deux selon les cas, les délais et situations venant à échéance durant cette période.

En pratique et au moins en principe, il paraît donc prudent de traiter en priorité les situations susceptibles d’être affectées par un terme extinctif au lendemain de l’expiration de la période juridiquement protégée. Normalement et sauf quelques dérogations résultant de l’ordonnance du 15 avril 2020, ces situations ne seront pas affectées par le dispositif général de prorogation des délais.

2.- Il bien été assimilé, également, qu’au moins en principe, la période juridiquement protégée est sans effet sur les obligations contractuelles. Comme il est rappelé dans la Circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, « le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendu pendant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er. Les échéances contractuelles doivent toujours être respectées ».

Néanmoins, la force obligatoire des contrats est atténuée par l’ordonnance qui prévoit :

  • D’une part (art. 4), que les clauses qui « ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant » la période juridiquement protégée ;
  • D’autre part (art. 5), que les délais utiles, d’origine légale ou contractuelle pour exercer une faculté de résiliation ou de non-renouvellement, sont prolongés de deux mois après la fin de la période juridiquement protégée s’ils expirent durant cette période.

3.- Le traitement des déchéances conventionnelles, fréquemment insérées dans les clauses d’un contrat à défaut d’exécution de telle ou telle diligence dans un certain délai, appellent quelques explications complémentaires, justifiées en raison des modifications apportées par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 au texte initial.

Le principe est le report des délais qui expirent pendant la période juridiquement protégée (12 mars/23 juin 2020). Le principe est aussi étendu aux délais qui viennent à expiration après la fin de la période juridiquement protégée (après le 23 juin). Cependant, l’ordonnance du 15 avril a abandonné le principe d’un prolongement uniforme des délais (un mois après la période juridiquement protégée) initialement retenu pour lui substituer, peu ou prou, un principe de maintien des délais initiaux, sauf à faire abstraction du temps ayant couru pendant la période juridiquement protégée. En un mot, l’objectif de l’ordonnance modificative du 15 avril 2020 est de faire en sorte que la durée correspondant à la période juridiquement protégée constitue un temps qui ne compte pas. Le dispositif est de ce fait plus complexe.

Il convient donc de distinguer désormais entre les délais expirant pendant la période juridiquement protégée et ceux expirant postérieurement à celle-ci.

Si le délai conventionnel, sanctionné à peine de déchéance, expire pendant la période juridiquement protégée, la clause prendra effet à l’issue de cette période. Le délai utile pour accomplir les diligences à l’issue de cette période (à partir du 24 juin), à peine de déchéance, sera le délai conventionnel, souvent de quelques jours, par exemple celui prévu pour la déclaration d’un sinistre ou encore la contestation d’un décompte. Le point de départ du délai conventionnel est décalé au lendemain du terme de la période juridiquement protégée, soit au 24 juin 2020, peu importe que le point de départ conventionnel soit antérieur au début de cette période, soit au 12 mars 2020. Par exemple, pour un sinistre de quelques jours antérieur à cette date, mais dont la déclaration devait être faite au cours de la période juridiquement protégée, sa date de réalisation est fictivement fixée au 12 mars 2020, même si celui-ci est antérieur à cette date.

Si le délai conventionnel, sanctionné à peine de déchéance, expire à l’issue de la période juridiquement protégée, soit après le 23 juin 2020, il y a lieu d’appliquer les dispositions qui concernent les clauses ayant « pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation autre que de somme d’argent » (l’alinéa 3 ajouté par l’ordonnance du 15 avril à l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars), par exemple, les clauses qui enferme dans un délai l’accomplissement de telle ou telle diligence. Naturellement, l’aménagement du délai n’est prévu par l’ordonnance qu’au cas où son point de départ est antérieur au début de la période juridiquement protégée ou se situe au cours de celle-ci. De deux choses l’une :

  • Le point de départ du délai conventionnel est antérieur au 12 mars 2020 ; auquel cas, le terme du délai conventionnel est reporté d’une durée égale à celle de la période juridiquement protégée ;
  • Le point de départ du délai conventionnel se situe entre le 12 mars et le 23 juin 2020 ; auquel cas, le terme du délai conventionnel est reporté d’une durée égale au nombre de jours écoulés entre le point de départ du délai conventionnel (par ex., la date du sinistre) et la fin de la période juridiquement protégée.

Naturellement, si le délai a expiré avant le 12 mars et si ses conditions étaient réunies avant cette date, la sanction est opposable au contractant défaillant, y compris pendant la période juridiquement protégée.

4.- Une note plus théorique, pour finir. On pense souvent que le temps érode toutes choses et tout spécialement les situations juridiques. A preuve, celles-ci s’éteignent par la prescription. En réalité, il n’en est rien. D’abord, une créance prescrite n’est pas effacée de l’ordre juridique. A tel point qu’elle peut valablement faire l’objet d’un paiement. Ensuite et surtout, la perte du droit d’agir qui marque le terme de la prescription est définitivement acquise. La sanction présente donc une permanence. Une situation prescrite depuis hier sera toujours dans le même état demain, après demain et plus tard encore. Ce qui est de droit, c’est ce qui dure, sauf à s’altérer pour des raisons de droit et non de fait.

La période juridiquement protégée est à cet égard emblématique d’une législation d’exception. Probablement n’avons-nous jamais été en guerre, mais bien certainement, nos pouvoirs publics se sont comportés comme si nous y étions. Pendant cette période, le droit s’est ainsi confiné, en « mode silencieux ». Ce qui devait juridiquement arriver ne s’est pas passé. Les ordonnances successives ont donc moins suspendu le cours du temps qu’elles n’ont mis à l’arrêt la mécanique juridique. Aucune prescription, aucune sanction et plus généralement aucune qualification n’ont désormais pu tomber. La permanence des catégories du droit a été mise entre parenthèse. Elles sont demeurées à l’état de fait, comme en d’autres temps, lorsqu’un soit « disant gouvernement » se trouvait relégué au rang d’ « autorité de fait » (art. 7 de l’ordonnance du 9 août 1944).

Copropriété : Entrée en vigueur le 1er juin 2020 de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 et de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai dernier sur la tenue des assemblées générales à distance

(1) L’ordonnance n° 2019-1101 prise en application de l’article 215 de la loi Elan du 23 novembre 2018 pour rénover le droit de la copropriété est entrée en vigueur le 1er juin.
C’est ici l’occasion de revenir sur quelques mesures issues de cette réforme, sans que cette présentation n’ait un caractère exhaustif :

L’application impérative de la loi du 10 juillet 1965 est recentrée sur les immeubles à usage total ou partiel d’habitation (L. 1965, art. 1).

L’application de la loi de 1965 devient supplétive pour :

  • les immeubles ou groupe d’immeubles bâtis à destination totale autre que d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ;
  • tout ensemble immobilier qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comporte des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs.

Un régime particulier est créé pour les petites copropriétés (L. 1965, art. 41-8 à 41-23)

L’ordonnance crée un double régime allégé pour :

  • les syndicats des copropriétaires comportant au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €

Dans cette hypothèse :

  • le syndicat n’est pas tenu de constituer un conseil syndical.
  • le syndicat n’est pas tenu à une comptabilité en partie double ; ses engagements peuvent être constatés en fin d’exercice.
  • les décisions, à l’exclusion de celles relatives au vote du budget prévisionnel et à l’approbation des comptes, peuvent être prises à l’unanimité des voix des copropriétaires à l’occasion d’une consultation écrite, sans qu’il y ait lieu de convoquer une assemblée générale.
  • les syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires.

Leur régime est fortement inspiré de celui de l’indivision avec, entre autres dispositions, le pouvoir donné à chaque copropriétaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble même si elles n’ont pas un caractère d’urgence.

  • Les pouvoirs du conseil syndical sont renforcés (L. 1965, art. 21-1 à 21-5)

La loi du 10 juillet 1965 prévoit désormais que lorsque le conseil syndical est composé d’au moins trois membres, l’assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité simple (majorité de l’article 24 : majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance).

La délégation de pouvoirs ne peut toutefois porter sur l’approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel, ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement.

  • Les travaux d’accessibilité sont facilités (L. 1965, art. 27)

Depuis le 1er juin 2020, chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. A cette fin, le copropriétaire notifie au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.

(2) Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’en application de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai prise dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, les syndics peuvent depuis le 1er juin et jusqu’au 31 janvier 2021, convoquer une assemblée générale sans présence physique, la participation des copropriétaires prenant alors la forme d’une visioconférence ou d’un vote par correspondance. Et ce, même si l’assemblée générale a déjà été convoquée, à condition d’informer les personnes concernées de ces nouvelles modalités au moins quinze jours avant sa tenue.

Cet aménagement des règles relatives à la tenue des assemblées générales de copropriété vise à pallier les difficultés liées à leur organisation pendant et après la période d’urgence sanitaire.

Baux commerciaux : Le Conseil constitutionnel valide le lissage du déplafonnement

(Cons. const. 7 mai 2020, n° 2020-837 QPC, JO 8 mai)
En application de l’article L. 145-34 du Code de commerce, le montant du loyer d’un bail commercial renouvelé est plafonné en fonction de la variation d’un indice de référence (ILAT ou ILC).

Par dérogation à ce qui précède, le loyer de renouvellement est déplafonné si les éléments pris en compte pour la fixation de la valeur locative (dont les caractéristiques du local et les facteurs locaux de commercialité) ont subi une modification notable.

La loi 2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi Pinel) a atténué les effets du déplafonnement du loyer de renouvellement en instaurant un mécanisme de lissage de celui-ci par paliers de 10% annuels (article L.145-34 alinéa 4 du Code de commerce).

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette disposition le Conseil constitutionnel a jugé dans une décision du 7 mai 2020 qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, au motif que :

  • en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;
  • les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d’une augmentation de 10 % du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative ;
  • les dispositions contestées n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement.

Le Conseil constitutionnel estime donc le mécanisme du lissage du déplafonnement conforme à la Constitution.

Construction : une expertise amiable ne peut suffire à elle seule à démontrer la réalité d’un désordre

(Cass. 3ème civ., 14 mai 2020, n°19-16.278)
Par un arrêt en date du 14 mai 2020, la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence sur la portée d’une expertise amiable, c’est-à-dire réalisée hors cadre d’une expertise judiciaire.

Dans un arrêt du 28 Septembre 2012 la Chambre mixte de la Cour de cassation avait déjà jugé que « si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties » (Cass. ch. Mixte, 28 septembre 2012, n°11-18710).

Au cas particulier, un Tribunal d’instance avait condamné une entreprise à indemniser un maître d’ouvrage du coût de travaux de reprise, en se fondant sur un rapport d’expertise amiable à laquelle l’entreprise et son assureur avaient été convoqués.

La Cour prononce la cassation du jugement querellé en considérant que « le tribunal, qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée » viole l’article 16 du code de procédure civile.

Par cet arrêt, la Cour confirme que qu’une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties ne saurait suffire à elle seule à démontrer la réalité d’un désordre.

En conséquence, la partie dont l’ouvrage est affecté d’un désordre aura intérêt, pour fonder sa demande de condamnation, à recourir à l’expertise judiciaire ou à tout le moins à corroborer une éventuelle expertise amiable d’autres éléments de preuve.

Enfin, cette jurisprudence renforce l’intérêt de recourir au référé-préventif avant travaux sous l’égide d’un expert judiciaire désigné par le Tribunal.