Analyse de la Cour de cassation : vers une plus grande flexibilité pour les centres d’affaires et espaces de coworking

Dans son dernier article pour Actu-Juridique.fr, notre avocat Fabien Grabette analyse une décision récente de la Cour de cassation concernant la qualification juridique de la mise à disposition de locaux assortie de prestations de services.
L’exclusion de la notion de sous-location au sens de l’article L.145-31 du Code de commerce a des implications notables pour les exploitants de centres d’affaires et de coworking, en leur permettant de naviguer avec plus de souplesse face aux contraintes souvent rigides des baux commerciaux.

Pour consulter l’article complet, c’est ici ➡️ https://www.actu-juridique.fr/civil/immobilier/la-mise-a-disposition-de-locaux-assortie-de-prestations-de-services-ne-constitue-pas-une-sous-location/

DLBA Avocats brille à nouveau dans le classement Décideurs Magazine 2024 : expertise renforcée en droit immobilier

 DLBA Avocats continue de se distinguer dans le classement Décideurs Magazine 2024.   

Une rentrée dynamique et encourageante

Cette année, nous avons non seulement consolidé notre position incontournable en contentieux de la construction, mais nous avons également renforcé notre expertise dans des secteurs clés du droit immobilier.

Notre cabinet a été distingué pour sa forte notoriété dans les domaines suivants :

  • Grands ensembles (copropriété)
  • Droit des baux
  • Contentieux de la vente immobilière

Ces résultats témoignent de notre engagement à relever continuellement les standards de notre pratique juridique. Ils reflètent notre détermination à aborder de nouveaux défis avec audace et précision, conformément aux attentes de nos clients et partenaires.

Un grand bravo à nos équipes pour leur implication et leur travail reconnu ! 

Vers de nouvelles frontières : l’abus de confiance et l’immobilier selon la Cour de cassation

Dans une décision rendue le 13 mars 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ouvert la voie à de nouvelles interprétations en matière d’abus de confiance, avec des implications significatives pour la propriété immobilière.
Jusqu’à récemment, la Cour estimait que l’abus de confiance ne pouvait concerner que des fonds ou des biens mobiliers. Cependant, dans un revirement de jurisprudence, elle reconnaît désormais que l’abus de confiance peut également porter sur des biens immobiliers.

Notre avocat Thomas LEBARBIER analyse cette évolution de
jurisprudence dans son dernier article publié par Option Droit & Affaires :
https://lnkd.in/eef3kk8K

Droit de la construction : le jeu de la suspension des délais d’action

Laurence de Montauzan avocate DLBA et Associés
Par Laurence de Montauzan.
Article paru dans Le journal du Management juridique et réglementaire N°74
Voir la revue

Comme en toute autre matière contentieuse, en droit de la construction, la maitrise des délais est essentielle, et cette maîtrise reste d’autant plus délicate qu’il existe encore d’importantes zones d’ombre.

Cette maîtrise passe notamment par la nécessité d’interrompre ou encore de suspendre (si possible) en temps utile les délais d’action vis-à-vis des (potentiels) responsables, le temps que lumière soit faite sur la nature, la cause, les effets, les solutions réparatoires des désordres objets de l’action, et ceci souvent dans le cadre d’une expertise judiciaire qui peut s’avérer longue.

L’interruption et la suspension n’emportent pas les mêmes effets : la première fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (article 2231 du code civil), la seconde suspend temporairement le cours du délai, sans effacer le délai déjà couru (article 2230 du code civil).

La réforme issue de la Loi du 17 juin 2008 a intégré de nouveaux cas de suspension du délai de prescription, dont on aurait pu penser, et même espérer, qu’ils puissent trouver plus largement application en contentieux de la construction :

  • L’article 2239 du code civil en vertu duquel la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d’expertise in futurum, le délai de prescription recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois, à compter du jour où la mesure est exécutée (donc à compter du jour du dépôt du rapport).
  • L’article 2238 du code civil qui prévoit que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation (…) la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative.

Il résulte cependant de l’article 2220 du code civil que les causes de suspension prévues aux articles précités ne sont pas applicables aux délais de forclusion.

Or les recours à engager en droit de la construction peuvent relever soit du régime de la forclusion, soit du régime de la prescription. Il faut donc revenir en premier lieu sur la qualification des délais d’action en la matière pour ensuite déterminer si la suspension du délai d’action est possible. (1)

Par ailleurs, la Cour de Cassation est venue récemment préciser les conditions d’application de la suspension, conditions qu’il ne faut pas occulter. (2)

L’on s’interrogera enfin, sur la portée de ces règles dans le contexte actuel de réforme de la procédure civile et de « promotion » des modes alternatifs de règlement des litiges. (3)

1. LE JEU DE LA SUSPENSION DÉPEND DE LA QUALIFICATION DU DÉLAI D’ACTION

La règle parait simple : les dispositions des articles 2233 et suivants du code civil ne sont pas applicables aux délais de forclusion. Elles le sont en revanche aux délais de prescription.

Mais la notion de forclusion n’étant pas définie par la Loi, il faut donc se référer à la jurisprudence en la matière, jurisprudence qui n’a pas encore répondu à toutes les questions que nous pouvons nous poser et qui de fait est susceptible d’évoluer.

Il faut donc préciser qu’il a été jugé que doivent être qualifiés de délais de forclusion :

  • Le délai décennal de l’article 1792- 4-1 du code civil (Cass. 3ème Civ. 10 novembre 2016, n°15-24289 : « la suspension de la prescription n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale » ; Cass. Civ. 3ème 19 septembre 2019, n°18-15833) ;
  • Le délai d’un an de la garantie de parfait achèvement de l’article 1792-6 du code civil (Cass. 3ème Civ. 23 février 2017, n°15-28065) ;
  • Le délai de garantie du vendeur de l’immeuble à construire applicable aux vices de constructions et défauts de conformité apparents, tel que fixé à l’article 1648 du code civil (Cass. 3ème Civ. 3 juin 2015, n°14-15796 ; Cass. 3ème Civ. 11 Juillet 2019, n°18-17856).

Il faut préciser également qu’il a été jugé, mais avant l’entrée en vigueur de la Loi du 17 Juin 2008, que le délai biennal de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil (Cass., 3èmeCiv., 4 novembre 2004 n° 03-12.481) est un délai de forclusion. Au vu de la jurisprudence susvisée sur les autres garanties légales, il semble qu’il faille considérer que ce délai reste un délai de forclusion.

Tout n’est évidemment pas encore réglé. Des discussions et des incertitudes demeurent d’autant que n’a pas été tranchée la question de la qualification des délais fixés par l’article 1792-4- 2 du code civil, ou encore de celle du délai fixé par l’article 1792-4-3 du code civil.

Les praticiens s’accordent à considérer que par sécurité, il vaut mieux considérer que tous les délais d’action en matière de droit de la construction relèvent du régime de la forclusion.

En d’autres termes, il vaudrait donc mieux en l’état ne pas compter sur le jeu d’une suspension éventuelle et engager l’action, elle-même nécessairement interruptive, l’article 2241 du code civil ne laissant pas de place au doute, peu importe la qualification de l’action « la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Ceci étant, il faut préciser enfin, que s’agissant du délai de prescription biennale régissant les rapports entre assuré et assureur, tel que fixé par l’article L 114-1 du code des assurances, il peut être déduit de plusieurs arrêts que ce délai n’est pas un délai de forclusion et qu’en conséquence la suspension du délai de prescription, telle que prévue par l’article 2239 du code civil peut trouver à s’appliquer (Cass. Civ. 2ème 19 mai 2016, pourvoi n°15-19792).

2. LES CONDITIONS D’APPLICATION DE LA SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION RÉCEMMENT PRÉCISÉES PAR LA COUR DE CASSATION

Il sera rappelé en premier lieu que les dispositions relatives aux nouvelles causes de suspension issues de la réforme du 17 Juin 2008 ne valent que pour la période postérieure à son entrée en vigueur (Cass. Civ. 5 septembre 2012, n°11-19200). Ainsi, il a pu être jugé qu’une mesure d’instruction in futurum ordonnée antérieurement à la réforme n’emportait pas suspension des délais en application de l’article 2239 du code civil, et ce alors même que les opérations d’expertise étaient en cours à la date de la réforme (Cass. Civ. 2ème 3 octobre 2013, n°12-22908 ; Civ.3ème 6 juillet 2017, n°16-17151 ; Com. 28 mars 2018 n°16.27268).

Concernant l’effet suspensif attachée à la demande d’expertise in futurum prévu à l’article 2239 du code civil, il a été jugé récemment que la suspension n’opère évidemment qu’au bénéfice du demandeur (Cass. Civ 2ème, 31 janvier 2019, n°18.10.011).

Enfin, il faut faire état d’un arrêt très récent de la Cour de Cassation du 17 octobre 2019 (n°18-19611) concernant la portée de la suspension de l’article 2239 du code civil, qui précise qu’une demande d’expertise in futurum sur les causes et conséquences de désordres n’emporte pas suspension du délai de prescription applicable à l’action en annulation du contrat. En d’autres termes, la demande initiale ne tendant pas au même but que la demande d’annulation, l’ordonnance de désignation d’expert ne suspend pas le délai de l’action en annulation.

3. EN CONCLUSION

Force est de constater le champ d’application limité de la suspension en contentieux de la construction dès lors que la plupart des délais d’action en ce domaine spécifique sont qualifiés par la jurisprudence de délais de forclusion.

Ainsi qu’il a été vu, ni la suspension applicable en cas de demande d’expertise in futurum (article 2239 du code civil), ni la suspension en cas de mise en oeuvre de la procédure de médiation ou de conciliation (article 2238 du code civil) n’ont vocation à s’appliquer aux délais de forclusion. Cette situation s’avère décevante d’autant plus dans le contexte actuel et alors que les modes amiables de règlement des litiges sont présentés comme des solutions alternatives qui doivent aujourd’hui être prises en compte.

En l’état, même si ces modes peuvent évidemment être envisagés, encore parait-il nécessaire à titre préalable ou bien en parallèle de formuler une demande en justice, toujours dans le souci de maitriser les délais d’action.

Copropriété : Entrée en vigueur le 1er juin 2020 de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 et de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai dernier sur la tenue des assemblées générales à distance

(1) L’ordonnance n° 2019-1101 prise en application de l’article 215 de la loi Elan du 23 novembre 2018 pour rénover le droit de la copropriété est entrée en vigueur le 1er juin.
C’est ici l’occasion de revenir sur quelques mesures issues de cette réforme, sans que cette présentation n’ait un caractère exhaustif :

L’application impérative de la loi du 10 juillet 1965 est recentrée sur les immeubles à usage total ou partiel d’habitation (L. 1965, art. 1).

L’application de la loi de 1965 devient supplétive pour :

  • les immeubles ou groupe d’immeubles bâtis à destination totale autre que d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ;
  • tout ensemble immobilier qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comporte des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs.

Un régime particulier est créé pour les petites copropriétés (L. 1965, art. 41-8 à 41-23)

L’ordonnance crée un double régime allégé pour :

  • les syndicats des copropriétaires comportant au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €

Dans cette hypothèse :

  • le syndicat n’est pas tenu de constituer un conseil syndical.
  • le syndicat n’est pas tenu à une comptabilité en partie double ; ses engagements peuvent être constatés en fin d’exercice.
  • les décisions, à l’exclusion de celles relatives au vote du budget prévisionnel et à l’approbation des comptes, peuvent être prises à l’unanimité des voix des copropriétaires à l’occasion d’une consultation écrite, sans qu’il y ait lieu de convoquer une assemblée générale.
  • les syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires.

Leur régime est fortement inspiré de celui de l’indivision avec, entre autres dispositions, le pouvoir donné à chaque copropriétaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble même si elles n’ont pas un caractère d’urgence.

  • Les pouvoirs du conseil syndical sont renforcés (L. 1965, art. 21-1 à 21-5)

La loi du 10 juillet 1965 prévoit désormais que lorsque le conseil syndical est composé d’au moins trois membres, l’assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité simple (majorité de l’article 24 : majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance).

La délégation de pouvoirs ne peut toutefois porter sur l’approbation des comptes, sur la détermination du budget prévisionnel, ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement.

  • Les travaux d’accessibilité sont facilités (L. 1965, art. 27)

Depuis le 1er juin 2020, chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. A cette fin, le copropriétaire notifie au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.

(2) Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’en application de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai prise dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, les syndics peuvent depuis le 1er juin et jusqu’au 31 janvier 2021, convoquer une assemblée générale sans présence physique, la participation des copropriétaires prenant alors la forme d’une visioconférence ou d’un vote par correspondance. Et ce, même si l’assemblée générale a déjà été convoquée, à condition d’informer les personnes concernées de ces nouvelles modalités au moins quinze jours avant sa tenue.

Cet aménagement des règles relatives à la tenue des assemblées générales de copropriété vise à pallier les difficultés liées à leur organisation pendant et après la période d’urgence sanitaire.

Baux commerciaux : Le Conseil constitutionnel valide le lissage du déplafonnement

(Cons. const. 7 mai 2020, n° 2020-837 QPC, JO 8 mai)
En application de l’article L. 145-34 du Code de commerce, le montant du loyer d’un bail commercial renouvelé est plafonné en fonction de la variation d’un indice de référence (ILAT ou ILC).

Par dérogation à ce qui précède, le loyer de renouvellement est déplafonné si les éléments pris en compte pour la fixation de la valeur locative (dont les caractéristiques du local et les facteurs locaux de commercialité) ont subi une modification notable.

La loi 2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi Pinel) a atténué les effets du déplafonnement du loyer de renouvellement en instaurant un mécanisme de lissage de celui-ci par paliers de 10% annuels (article L.145-34 alinéa 4 du Code de commerce).

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette disposition le Conseil constitutionnel a jugé dans une décision du 7 mai 2020 qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, au motif que :

  • en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;
  • les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d’une augmentation de 10 % du loyer de l’année précédente jusqu’à ce qu’il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative ;
  • les dispositions contestées n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement.

Le Conseil constitutionnel estime donc le mécanisme du lissage du déplafonnement conforme à la Constitution.

Construction : une expertise amiable ne peut suffire à elle seule à démontrer la réalité d’un désordre

(Cass. 3ème civ., 14 mai 2020, n°19-16.278)
Par un arrêt en date du 14 mai 2020, la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence sur la portée d’une expertise amiable, c’est-à-dire réalisée hors cadre d’une expertise judiciaire.

Dans un arrêt du 28 Septembre 2012 la Chambre mixte de la Cour de cassation avait déjà jugé que « si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties » (Cass. ch. Mixte, 28 septembre 2012, n°11-18710).

Au cas particulier, un Tribunal d’instance avait condamné une entreprise à indemniser un maître d’ouvrage du coût de travaux de reprise, en se fondant sur un rapport d’expertise amiable à laquelle l’entreprise et son assureur avaient été convoqués.

La Cour prononce la cassation du jugement querellé en considérant que « le tribunal, qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée » viole l’article 16 du code de procédure civile.

Par cet arrêt, la Cour confirme que qu’une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties ne saurait suffire à elle seule à démontrer la réalité d’un désordre.

En conséquence, la partie dont l’ouvrage est affecté d’un désordre aura intérêt, pour fonder sa demande de condamnation, à recourir à l’expertise judiciaire ou à tout le moins à corroborer une éventuelle expertise amiable d’autres éléments de preuve.

Enfin, cette jurisprudence renforce l’intérêt de recourir au référé-préventif avant travaux sous l’égide d’un expert judiciaire désigné par le Tribunal.

Évolutions du recours contentieux contre le permis de construire modificatif

(i) Le nouvel article L.600-5-2 du Code de l’urbanisme (créé par la Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite Loi « ELAN ») prévoit désormais que devant les Juridictions administratives, la légalité de l’arrêté valant permis de construire modificatif est, exclusivement, appréciée dans le cadre de l’instance en cours sur le recours dirigé contre le permis de construire initial.
Le texte fixe deux conditions :

  • Qu’une instance portant sur l’appréciation de la validité du permis de construire initial soit effectivement en cours devant la Juridiction administrative ;
  • Et que ce permis de construire modificatif ait été communiqué en cours d’instance aux parties concernées.

A défaut le requérant conserve la faculté de contester le permis de construire modificatif par la voie d’un recours pour excès de pouvoir « classique ».

(ii) Par un arrêt en date du 15 février 2019 (CE, 15 fév. 2019, n°401384), le Conseil d’État a confirmé que les dispositions du nouvel article L.600-5-2 du Code de l’urbanisme sont d’application immédiate, aux instances en cours au 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur de la Loi « ELAN ».

Bien que d’application immédiate, le texte questionne. Dans le cadre de l’instance en cours, et en pratique qui communique quoi et quand ? notamment eu égard au délai de deux mois de recours des tiers contre le permis modificatif.

Selon le texte, il est indifférent que la transmission du permis modificatif au greffe de la Juridiction administrative soit faite par le requérant et/ou le bénéficiaire et/ou la Commune. A l’évidence, elle intervient à la main, et à l’avantage, de la partie qui y a intérêt. Ensuite, le greffe assure une diffusion contradictoire à l’ensemble des parties à l’instance.

Le pétitionnaire, comme la Commune, ont intérêt à communiquer un permis de construire modificatif qui ambitionne de régulariser les vices allégués par le requérant contre le permis initial. En principe, ils devraient pouvoir le communiquer tant que l’instance sur le recours contre le permis de construire initial est en cours. Le Pétitionnaire, comme la Commune, pourraient vouloir prendre avantage en communiquant l’arrêté accordant le permis de construire modificatif, postérieurement à la purge du délai de recours des tiers…

Le requérant peut avoir quant à lui intérêt à le communiquer, pour en contester la régularité. Dans le silence du texte, il y a tout lieu de penser, que le requérant, doit, transmettre au Greffe de la Juridiction, le permis de construire modificatif, dans le délai de deux mois à compter de son affichage continu sur le terrain ; délai en effet imparti aux tiers pour former un recours pour excès de pouvoir contre tout permis de construire.

La sécurité juridique – qui au demeurant sous-tend les réformes actuelles du contentieux de l’urbanisme – l’impose.

Dès lors, on voit poindre les difficultés pratiques.

Si le requérant ne transmet pas au greffe le permis de construire modificatif, dans le délai de deux mois à compter de son affichage, le permis modificatif est en principe définitif et insusceptible de recours.

Toutefois, et si le pétitionnaire et/ou la Commune le transmettent (le cas échéant et à dessein postérieurement à la purge du délai de recours de deux mois) le requérant pourra t’il arguer de cette communication, pour contester la validité du permis de construire modificatif (ce qui reviendrait de facto à remettre en cause le délai de recours), ou sera-t-il considérer comme forclos compte tenu de la purge du délai de recours.

La solution n’est pas évidente. A fortiori, compte tenu de la connexité entre le permis de construire initial et le permis de construire modificatif.

(iii) Devant ce texte nouveau, et qui interroge quant à ses modalités d’application et à ses effets, le décret d’application, qui devait possiblement répondre à ces questionnements, était attendu des acteurs et juristes de la construction.

Le Décret n° 2019-303 pris pour l’application de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme est intervenu le 10 avril 2019 (JORF n°0087 du 12 avril 2019 texte n°34).

Il en ressort limitativement :

  • D’une part, que la contestation du permis de construire modificatif n’est pas assujettie à l’obligation de notification des recours (L’article R.600-1 du Code de l’urbanisme est complété d’un 4ème alinéa qui exclut son application en cas de contestation d’un permis modificatif) ;
  • Et d’autre part, que la cristallisation des moyens est aménagée à cet élément nouveau intervenant en cours d’instance (L’article R.600-5 du Code de l’urbanisme est complété d’un nouveau second alinéa qui prévoit que les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à l’encontre du permis modificatif passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant).

Le décret d’application est pour le moins limité.

Il n’apporte pas de réponse franche aux questions pratiques qui se posent.

Faute d’éléments plus concrets et précis dans le décret, il est probable que ce régime législatif et réglementaire nouveau, qui faut-il le rappeler a pour objectif de limiter et de sécuriser le contentieux des autorisations d’urbanisme, génère à l’avenir des moyens et débats judiciaires nouveaux.

A suivre donc.

Immobilier : caractère absolu du droit de propriété

(Cass. 3ème civ. 4 juillet 2019, n° 18-17.119, publié au Bulletin)
Dans cette affaire, des propriétaires ont obtenu en référé l’expulsion des occupants sans droit ni titre d’une parcelle de terrain leur appartenant.

Cette décision ayant été confirmée en appel, les occupants de la parcelle ont formé un pourvoi en cassation sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales prévoyant notamment le droit au respect du domicile de l’occupant.

Plus précisément, les demandeurs au pourvoi soutenaient que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile et que toute personne qui risque d’en être victime doit en principe pouvoir en faire examiner la proportionnalité par un tribunal.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi en jugeant que l’expulsion étant « la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété ; qu’ayant retenu à bon droit que, le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d’obtenir en référé l’expulsion des occupants, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision ».

Par cette décision, la Cour de Cassation fait primer le droit de propriété en rappelant le caractère absolu de ce dernier.

Assurance-construction : inapplication de la clause d’exclusion de garantie en l’absence de définition contractuelle

(Cass. 3ème civ. 19 septembre 2019, n°18-19616)
Dans cette affaire, un maître d’ouvrage a confié la construction d’un bâtiment agricole à une entreprise assurée auprès du GAN.

Après interruption des travaux et expertise judiciaire, le maître d’ouvrage a assigné l’entreprise et son assureur en réfection de la charpente et indemnisation.

En appel, la Cour a rejeté la demande de garantie de l’entreprise envers son assureur en retenant l’application d’une clause d’exclusion de garantie en cas de violation des règles de l’art.

La Cour de cassation censure cette décision au motif que « la clause d’exclusion visant les dommages résultant d’une méconnaissance intentionnelle, délibérée ou inexcusable des règles de l’art et normes techniques applicables dans le secteur d’activité de l’assuré ne permettait pas à celui-ci de déterminer avec précision l’étendue de l’exclusion en l’absence de définition contractuelle de ces règles et normes et du caractère volontaire ou inexcusable de leur inobservation ».

Cette décision confirme le caractère résolument protecteur pour l’assuré de la jurisprudence en matière de clauses exclusives de garantie.