Les contrats entre professionnels seront soumis au contrôle des clauses abusives

C’est un des acquis de la réforme du droit des contrats, qu’est venue confirmer la loi n°2018-287 du 20 avril 2018, à cet égard entrée en vigueur le 1er octobre 2018 et ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats : le juge peut supprimer les clauses abusives insérées dans les contrats civils et commerciaux dès lors que ceux-ci comportent un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. Les rédacteurs de contrats doivent intégrer cet élément nouveau.
L’AUTEUR
Xavier Lagarde, Agrégé des facultés de droit, est Professeur à L’Ecole de Droit de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) au sein de laquelle il dirige le M2 Contentieux des affaires et le département de recherche « Sorbonne – Justice et procès (IRJS) ». Il est associé de DLBA, société d’avocats ayant une pratique régulière du contentieux général des entreprises.

L’ordonnance du 10 février 2016 avait introduit les deux dispositions suivantes dans le code civil : l’article 1110 disposant que « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties » et l’article 1171 ajoutant que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». La théorie des clauses abusives sortait ainsi de son domaine naturel d’application, les relations de consommation, pour servir de point d’appui à un contrôle du juge de l’ensemble des contrats comportant des conditions générales non négociées. A la suite de l’adoption de ces deux textes, certains avaient tenté d’en limiter la portée en exposant que dans les relations commerciales, l’article L.442-6.I.2° prévoit déjà la responsabilité de « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » qui soumet ou tente de soumettre « un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Et d’ajouter que cette règle spéciale chasse la règle générale.

L’appel des sénateurs

Cette doctrine traduisait une inquiétude des milieux économiques. Il ne faut pas oublier que la consécration de la théorie des clauses abusives par le droit de la consommation a donné lieu à une activité significative des associations de consommateurs aux fins de les dénoncer. Certes, les associations avaient légalement qualité à agir. Mais aujourd’hui, un texte n’est plus nécessaire puisque Cour de Cassation juge désormais que « même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social »1. Les associations peuvent ainsi s’habiliter elle-même en se conférant à travers leurs statuts le droit de désigner les intérêts collectifs pour la défense desquels la jurisprudence les habilite désormais à agir en justice. Rien n’interdisait donc de penser que des professionnels réunis en association, par exemple des fournisseurs, ou encore des sous-traitants, exercent à l’image des associations de consommateurs des actions fondées sur l’article 1171 du code civil aux seules fins de faire déclarer non écrites des clauses imposées dans des conditions générales. D’où l’idée qu’au cas où l’article L.442-6 du code de commerce est applicable, il empêche l’application de l’article 1171.

Les sénateurs ont entendu les craintes exprimées. Ainsi le Rapport n°22 (2017/2018) déposé le 11 octobre 2017 par le Sénateur Pillet expose-t-il que « de façon à expliciter l’intention du législateur lors de la ratification de l’ordonnance et à assurer la cohérence du droit, votre commission indique que l’article 1171 du code civil ne peut s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6 du code de commerce et par l’article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation ». Et le sénateur d’ajouter « dès lors, l’article 1171 du code civil ne s’applique qu’à un champ assez limité de contrats d’adhésion ne relevant ni des relations commerciales (…) ni du code de la consommation (…). Seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d’un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l’activité ne relève pas du champ commercial. »

L’article 1171 s’applique aux relations commerciales

Les juges ne sont pas liés par les travaux préparatoires, encore moins par la parole d’un sénateur qui, même s’il exprime au nom de la Commission des lois, n’a pas seule qualité pour « expliciter l’intention du législateur ». Ils s’en détacheront d’autant plus librement qu’entre l’article L.442-6 et l’article 1171, il n’y a nullement le rapport d’une règle spéciale à une règle générale. L’adage specialia generalibus derogant concerne seulement l’hypothèse dans laquelle l’application cumulative de deux règles conduirait à une contradiction et, de fait, un déni de justice. Dans cette hypothèse, l’article 4 du Code civil oblige le juge à faire un choix et l’adage lui permet de donner la préférence à la règle spéciale. Dans l’hypothèse d’un concours entre les, cette situation ne se rencontrera pas.

L’appel des sénateurs à cantonner l’application du nouvel article 1171 du code civil aux relations entre particuliers et entre professionnels libéraux repose sur une illusion.

Il n’y a cependant pas de risque de contrariété à envisager l’application successive articles L.442-6 et 1171. Les effets des deux textes ne sont pas les mêmes : là où l’article L.442-6 permet essentiellement de soutenir une demande indemnitaire, voire, en cas d’intervention du Ministre de l’Economie ou du Ministère public, le prononcé d’une amende civile, l’art. 1171 du Code civil conduit simplement à la suppression d’une clause abusive. L’art. 1171 du Code civil est en quelque sorte le subsidiaire de l’article L.442-6 et leur articulation se fait conformément aux principes de hiérarchisation des moyens.

L’article 1171 du code civil, fondement d’une « police » des clauses non négociables

Qui plus est, les deux textes n’ont ni les mêmes conditions, ni ne répondent à la même philosophie. En un mot, l’art. L.442-6 du code de commerce fondent une police des marchés là où l’art. 1171 du Code civil permet au juge d’opérer une police des contrats. Le premier constitue un texte destiné à sanctionner les pratiques restrictives de concurrence d’une entreprise soustraite aux contraintes d’une concurrence effective et qui abuse de cette situation. D’ailleurs le texte ne sanctionne pas mécaniquement les clauses instituant un déséquilibre significatif. Il sanctionne en premier lieu le déséquilibre, lequel peut procéder aussi bien d’une clause que d’une pratique et il conditionne le prononcé de la sanction à la démonstration d’une soumission du partenaire commercial par l’entreprise qui profite de son avantage concurrentiel. Au reste, rien n’interdit de sanctionner le déséquilibre qui portent sur le prix imposé à des partenaires en situation de dépendance et de soumission. L’article 1171 du Code civil considère le déséquilibre significatif sous un angle bien différent. Il n’a pas été conçu comme l’instrument d’une lutte à l’encontre de pratiques restrictives de concurrence, ni même de pratiques déloyales. Il a pris forme à la lumière du constat que, dans un certain nombre de contrats, de nombreuses clauses ne font l’objet d’aucune négociation. Non pas que, nécessairement une partie faible serait soumise à une partie forte, mais bien plutôt que l’une des deux parties est indifférente au contenu des conditions générales rédigées par l’autre. Il n’y a pas eu d’exercice de la volonté lors des négociations si bien que celle-ci n’a pas joué son rôle naturel de rééquilibrage des intérêts en présence. L’autonomie de la volonté perd en conséquence en légitimité et l’on estime naturel que le juge puisse exercer un contrôle sur ces clauses qui n’ont pas même retenu l’attention de l’une des parties. En forçant le trait, on retiendrait presque que l’article 1171 du Code civil permet d’entreprendre un contentieux objectif, un procès fait à l’acte aux fins de l’abstraire de ses déséquilibres, tandis que l’article L.442-6 du code de commerce fonde un contentieux subjectif aux fins de traquer les pratiques déloyales et d’en sanctionner les auteurs. Les deux textes ont chacun leur économie propre et rien n’empêche leur application successive devant telle ou telle juridiction.

La loi du 20 avril 2018 a cependant modifié la définition du contrat d’adhésion soumis au contrôle des clauses abusives. Il est désormais présenté comme « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Si l’ « ensemble » est réellement ouvert à la négociation, il est permis de penser que les juges respecteront les résultats de cette dernière.

Les points clés

  • La loi n°2018-287 du 20 avril 2018 portant ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 confirme le principe d’un contrôle de l’abus dans les contrats d’adhésion ;
  • L’application de l’article 1171 du code civil, issu de cette loi, est cumulable avec les sanctions prévues par l’article L.442-6 du code de commerce ;
  • Les deux textes n’ont ni les mêmes effets, ni les mêmes conditions, ni la même économie et il n’y a pas lieu d’appliquer l’adage specialia generalibus derogant ;
  • La rédaction nouvelle des articles 1110 et 1171 du code civil permet cependant de cantonner le contrôle des clauses abusives.
  1. Cass. Civ. 3ème  18 novembre 2008, pourvoi n° 06–22.038, Bull. civ. III n° 201.

Réforme du contentieux de l’urbanisme 2018

Quelques avancées d’ores et déjà applicables pour accélérer la procédure

En matière de contentieux de l’urbanisme, le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 vient de modifier la partie réglementaire du Code de Justice administrative et du Code de l’urbanisme.

Ces nouvelles dispositions, désormais applicables à toute nouvelle requête enregistrée à compter du 1er octobre 2018, font suite au rapport du groupe de travail présidé par Madame Christine Maugüé, conseillère d’Etat, ayant formulé des « propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace ».

L’objectif, certes louable, n’est toutefois pas pleinement atteint. Il convient ici de retenir, de manière synthétique et non exhaustive, les avancées suivantes :

1. Nécessité pour le requérant de justifier in concreto de sa qualité et de son intérêt à agir

A peine d’irrecevabilité, la requête en annulation d’un arrêté valant permis de construire doit être accompagnée de l’acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant (titre de propriété, promesse de vente, bail…).

Pour une association, la requête doit être accompagnée, toujours à peine d’irrecevabilité, des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. (Article R.600-4 du Code de l’urbanisme)

2. Nécessité pour le requérant de confirmer sa requête au fond, passé l’éventuel rejet de la requête en référé suspension

A peine de désistement d’office, le requérant doit, en cas de rejet de sa requête en « référé-suspension » motivé par l’absence de moyen propre à créer un doute sérieux, et sauf éventuel pourvoi, confirmer sa requête au fond devant le Tribunal, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance. (Article R. 612-5-2 du code de justice administrative)

3. « Cristallisation » automatique des moyens

Passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, il n’est plus possible d’invoquer de moyens nouveaux. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

4. Limitation à dix mois du délai de jugement

Le Juge de première instance, comme le Juge d’appel, se doit désormais de statuer dans un délai de dix mois sur les recours contre un permis de construire relatif à un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

5. Réduction, d’un an à six mois, du délai de recours après achèvement

A l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction, aucune action en annulation du permis de construire ne peut plus être engagée. (Article R.600-3 du Code de l’urbanisme)

La toute prochaine Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » portera elle-aussi son lot d’évolutions. Toujours avec le même objectif. A suivre donc.

Le notaire et l’exécution forcée, Colloque de l’ARNU

Le 15 octobre dernier se tenaient les XXVIIIèmes Rencontres Notariat – Université, Journée Jean Derruppé, à L’Amphithéâtre Louis Liard de l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Le Colloque était organisé par l’Association Rencontres Notariat – Université. Il portait sur « le notaire et l’exécution forcée » et a permis d’aborder de nombreuses questions communes à toutes les professions juridiques, notaires, avocats, magistrats et huissiers, tout spécialement celle de savoir si la force exécutoire est détachable de l’authenticité.
Le rapport de synthèse a été assuré par notre associé, le Professeur Xavier Lagarde, et sera prochainement publié, ainsi que les actes du colloque, à La Semaine Juridique, édition notariale. Le colloque a été filmé et sera bientôt mis en ligne.

Pour en savoir plus : https://www.arnu.info/les-journees-jean-derruppe/

Précision sur les clauses de conciliation

Il est devenu d’usage d’insérer des clauses de conciliation dans les contrats d’affaires. Les parties perdent parfois de vue que cette clause donne naissance à une fin de non-recevoir, non régularisable en cours d’instance. La clause de conciliation peut donc être invoquée pour la première fois en cause d’appel et contraindre les parties à reprendre le litige en première instance, au risque que la prescription soit acquise (Cass. Com. 16 mai 2018, Pourvoi n°16-26.086). Par un arrêt du 3 octobre 2018 (pourvoi n°17-21.089), la Chambre commerciale a récemment précisé qu’une solution aussi exigeante ne s’applique cependant pas à une clause « par laquelle les parties au contrat se bornaient à prendre l’engagement de résoudre à l’amiable tout différend par la saisine d’un médiateur, faute de désigner celui-ci ou de préciser, au moins, les modalités de sa désignation ». Il faut cependant rester attentif car la troisième Chambre civile, compétente en matière immobilière, semble moins exigeante. Elle a retenu par le passé que la clause « selon laquelle, ‘pour tous les litiges pouvant survenir dans l’application du présent contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction’ » « instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir » (Cass. Civ. 3ème 19 mai 2016, Pourvoi n°15-14.464, Publié au bulletin).

DLBA fait jurisprudence

Dans un arrêt du 12 juillet 2018 (Pourvoi n°17-20.627) ayant eu les honneurs d’une « Publication au Bulletin », rendu au bénéfice des clients que le cabinet avait défendu avec succès devant les juges du fond, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que :

  • « l’action engagée (…) sur le fondement de la faute dolosive du constructeur, s’analysait en une action contractuelle et que, attachée à l’immeuble, elle était transmissible aux acquéreurs successifs » ;
  • « une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles » suffit à caractériser une faute dolosive du constructeur.

Le premier attendu confirme une jurisprudence acquise sur la nature contractuelle de l’action fondée sur la faute dolosive du constructeur. Le second attendu est significatif d’une évolution de la conception de la faute dolosive propre au constructeur. Alors qu’elle exigeait auparavant « une violation par dissimulation ou par fraude de ses obligations contractuelles » (Cass. Civ. 3ème 27 mars 2013, Pourvoi n°12-13.840, Bull. civ. III n°39), la cour de cassation semble aujourd’hui admettre qu’« une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles » pour retenir la faute dolosive du constructeur. A suivre…

Le Cabinet DLBA se mobilise pour la cause nationale 2018 : la lutte contre la violence faite aux femmes !

Une équipe composée de salariés, de collaborateurs et d’associés participeront à la nuit des relais du 4 décembre 2018 dans le GRAND PALAIS de 19 à 23 heures, action organisée par la FONDATION DES FEMMES.
Leur course en relais permettra de récolter des fonds qui seront reversés aux associations qui soutiennent les femmes victimes de violence.

Notre équipe : AVO’COTES

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