Les dispositions phares de la loi Elan

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi ELAN »), a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Le texte comporte 234 articles et apporte des modifications importantes dans de nombreux domaines du droit immobilier.
Il y a lieu de préciser que la plupart des mesures issues de la loi ELAN sont d’application immédiate ou sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019. Néanmoins, certaines des dispositions de la loi n’entreront en vigueur qu’après la parution de décrets d’application.

C’est ici l’occasion de revenir sur quelques mesures phares de la loi dans les domaines du droit de la construction, de la copropriété, de l’urbanisme et du logement, étant précisé que cette présentation n’a évidemment aucun caractère exhaustif.

1.- Droit de la construction : évolution du régime de la VEFA

Parmi les diverses dispositions destinées à encourager les projets de construction, la loi Elan modifie en certains aspects le régime applicable à la VEFA dans le secteur protégé (immeubles d’habitation ou à usage mixte) :

• Consécration de la VEFA avec travaux réservés par l’acquéreur (article 75 de la loi Elan)

La loi Elan prévoit que le contrat préliminaire pourra comporter une clause par laquelle l’acheteur se réserve la réalisation de travaux de finition ou l’installation d’équipements après la livraison de l’immeuble. Le but est de permettre la cession en VEFA de biens « prêts à finir » ou « bruts de béton », ce que ne permettait pas jusqu’alors la réglementation applicable. Le contrat préliminaire devra comporter une clause en caractères très apparents stipulant que l’acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux, qu’il réalise après la livraison de l’immeuble (article L. 261-15 du CCH). Dans ce cas, le contrat préliminaire devra préciser :

– Le coût total du bien composé du prix convenu et du coût des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le vendeur ;

– Le délai dans lequel l’acquéreur peut revenir sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux. Si l’acquéreur exerce ce droit, le vendeur est tenu d’exécuter ou de faire exécuter les travaux initialement réservés.

L’entrée en vigueur de cette mesure est subordonnée à la publication d’un décret qui précisera les conditions d’application de la mesure et notamment la nature des travaux dont l’acquéreur peut se réserver l’exécution.

• Précisions sur les modalités de déclenchement et de mise en œuvre de la garantie d’achèvement (article 75 de la loi Elan)

Dans le cadre du secteur protégé, l’article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l’habitation impose au vendeur de fournir à l’acquéreur une garantie de remboursement ou une garantie financière d’achèvement (GFA).La loi ELAN clarifie les modalités de déclenchement de la garantie financière d’achèvement en précisant qu’elle pourra être mise en œuvre en cas de « défaillance du vendeur caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. »

Par ailleurs, la loi ELAN offre la possibilité au garant de faire désigner, par ordonnance sur requête, un administrateur ad hoc, qui assure la maîtrise d’ouvrage de l’opération aux frais du garant.

Ces dispositions sont d’application immédiate.

2.- Droit de la copropriété : diverses modifications et habilitation du gouvernement à réformer par voie d’ordonnances (article 209 de la loi ELAN)

La loi ELAN apporte diverses modifications à la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété. Par ailleurs, la loi ELAN habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin, d’une part, de moderniser le statut issu de la loi du 10 juillet 1965 (sous douze mois) et, d’autre part, de créer la partie législative d’un code relatif à la copropriété afin de regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété (dans un délai, cette fois, de vingt-quatre mois) (article 215 de la loi ELAN).

Parmi les dispositions prévues par la loi ELAN :

• Consécration par la loi des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance privative (article 209 de la loi ELAN). La loi ELAN consacre la définition des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance privative telles que retenues par la jurisprudence en disposant que :

– Les parties communes spéciales sont celles affectées à l’usage et à l’utilité de plusieurs copropriétaires,

– Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot.

La loi ELAN précise également que l’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété, étant précisé que les syndicats des copropriétaires ont jusqu’au 23 novembre 2021 pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité. Cette mesure est d’application immédiate.

• Simplification de la procédure de vote aux AG (article 211 de la loi ELAN). La loi ELAN prévoit la possibilité pour les copropriétaires de :

– Participer à l’assemblée par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant une identification,

– Voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée au moyen d’un formulaire. L’entrée en vigueur de cette mesure est toutefois subordonnée à la publication d’un décret qui précisera les conditions d’identification des copropriétaires usant de moyens de communication électronique pour participer à l’assemblée générale, les mentions du formulaire de vote par correspondance et ses modalités de remise au syndic.

• Raccourcissement du délai de prescription des actions personnelles (article 213 de la loi ELAN). Le régime des actions dites personnelles entre des copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat est unifié sur le délai de 5 ans du droit commun (article 2224 du Code civil) au lieu de 10 antérieurement. Cette mesure est d’application immédiate.

• Raccourcissement du délai de notification des décisions prises en AG de copropriété (article 213 de la loi ELAN). La loi ELAN prévoit que la notification du procès-verbal devra désormais intervenir dans un délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale (et non plus deux mois). Cette mesure est d’application immédiate.

3.- Droit de l’urbanisme : volonté de favoriser la réalisation de projets d’aménagement, moderniser l’instruction et limiter les recours

La loi ELAN comporte des dispositions diverses, concernant notamment les documents et les autorisations d’urbanisme, les procédures d’aménagement ainsi que le contentieux de l’urbanisme. Par ailleurs, la loi ELAN habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin, d’une part, de simplifier la hiérarchie des normes et, d’autre part, de préciser le rôle et le contenu du schéma de cohérence territoriale (sous dix-huit mois) (article 46 de la loi ELAN).

La loi ELAN crée par ailleurs de nouveaux outils : le projet partenarial d’aménagement (PPA) et la grande opération d’urbanisme (GOU) (article 1 de la loi ELAN).

Afin de favoriser la réalisation d’opérations d’aménagement de grande envergure, la loi ELAN crée le contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA), lequel peut être conclu entre l’Etat, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un établissement public territorial, la Ville de Paris, la métropole de Lyon, un Etablissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou/et une ou plusieurs communes membres de l’EPCI concerné.

Une opération d’aménagement peut être qualifiée de grande opération d’urbanisme (GOU) lorsqu’elle est prévue par un contrat de projet partenarial d’aménagement et que, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’Etat et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public cocontractant. La qualification de grande opération d’urbanisme permet de déroger à certaines règles de droit commun afin de faciliter le projet d’aménagement. L’objectif de ces nouveaux outils créés par la loi ELAN est de dépasser le cadre communal pour la mise en œuvre d’opérations d’aménagement complexes. Cette mesure est d’application immédiate.

Les contrats entre professionnels seront soumis au contrôle des clauses abusives

C’est un des acquis de la réforme du droit des contrats, qu’est venue confirmer la loi n°2018-287 du 20 avril 2018, à cet égard entrée en vigueur le 1er octobre 2018 et ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats : le juge peut supprimer les clauses abusives insérées dans les contrats civils et commerciaux dès lors que ceux-ci comportent un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. Les rédacteurs de contrats doivent intégrer cet élément nouveau.
L’AUTEUR
Xavier Lagarde, Agrégé des facultés de droit, est Professeur à L’Ecole de Droit de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) au sein de laquelle il dirige le M2 Contentieux des affaires et le département de recherche « Sorbonne – Justice et procès (IRJS) ». Il est associé de DLBA, société d’avocats ayant une pratique régulière du contentieux général des entreprises.

L’ordonnance du 10 février 2016 avait introduit les deux dispositions suivantes dans le code civil : l’article 1110 disposant que « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties » et l’article 1171 ajoutant que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». La théorie des clauses abusives sortait ainsi de son domaine naturel d’application, les relations de consommation, pour servir de point d’appui à un contrôle du juge de l’ensemble des contrats comportant des conditions générales non négociées. A la suite de l’adoption de ces deux textes, certains avaient tenté d’en limiter la portée en exposant que dans les relations commerciales, l’article L.442-6.I.2° prévoit déjà la responsabilité de « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » qui soumet ou tente de soumettre « un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Et d’ajouter que cette règle spéciale chasse la règle générale.

L’appel des sénateurs

Cette doctrine traduisait une inquiétude des milieux économiques. Il ne faut pas oublier que la consécration de la théorie des clauses abusives par le droit de la consommation a donné lieu à une activité significative des associations de consommateurs aux fins de les dénoncer. Certes, les associations avaient légalement qualité à agir. Mais aujourd’hui, un texte n’est plus nécessaire puisque Cour de Cassation juge désormais que « même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social »1. Les associations peuvent ainsi s’habiliter elle-même en se conférant à travers leurs statuts le droit de désigner les intérêts collectifs pour la défense desquels la jurisprudence les habilite désormais à agir en justice. Rien n’interdisait donc de penser que des professionnels réunis en association, par exemple des fournisseurs, ou encore des sous-traitants, exercent à l’image des associations de consommateurs des actions fondées sur l’article 1171 du code civil aux seules fins de faire déclarer non écrites des clauses imposées dans des conditions générales. D’où l’idée qu’au cas où l’article L.442-6 du code de commerce est applicable, il empêche l’application de l’article 1171.

Les sénateurs ont entendu les craintes exprimées. Ainsi le Rapport n°22 (2017/2018) déposé le 11 octobre 2017 par le Sénateur Pillet expose-t-il que « de façon à expliciter l’intention du législateur lors de la ratification de l’ordonnance et à assurer la cohérence du droit, votre commission indique que l’article 1171 du code civil ne peut s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6 du code de commerce et par l’article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation ». Et le sénateur d’ajouter « dès lors, l’article 1171 du code civil ne s’applique qu’à un champ assez limité de contrats d’adhésion ne relevant ni des relations commerciales (…) ni du code de la consommation (…). Seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d’un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l’activité ne relève pas du champ commercial. »

L’article 1171 s’applique aux relations commerciales

Les juges ne sont pas liés par les travaux préparatoires, encore moins par la parole d’un sénateur qui, même s’il exprime au nom de la Commission des lois, n’a pas seule qualité pour « expliciter l’intention du législateur ». Ils s’en détacheront d’autant plus librement qu’entre l’article L.442-6 et l’article 1171, il n’y a nullement le rapport d’une règle spéciale à une règle générale. L’adage specialia generalibus derogant concerne seulement l’hypothèse dans laquelle l’application cumulative de deux règles conduirait à une contradiction et, de fait, un déni de justice. Dans cette hypothèse, l’article 4 du Code civil oblige le juge à faire un choix et l’adage lui permet de donner la préférence à la règle spéciale. Dans l’hypothèse d’un concours entre les, cette situation ne se rencontrera pas.

L’appel des sénateurs à cantonner l’application du nouvel article 1171 du code civil aux relations entre particuliers et entre professionnels libéraux repose sur une illusion.

Il n’y a cependant pas de risque de contrariété à envisager l’application successive articles L.442-6 et 1171. Les effets des deux textes ne sont pas les mêmes : là où l’article L.442-6 permet essentiellement de soutenir une demande indemnitaire, voire, en cas d’intervention du Ministre de l’Economie ou du Ministère public, le prononcé d’une amende civile, l’art. 1171 du Code civil conduit simplement à la suppression d’une clause abusive. L’art. 1171 du Code civil est en quelque sorte le subsidiaire de l’article L.442-6 et leur articulation se fait conformément aux principes de hiérarchisation des moyens.

L’article 1171 du code civil, fondement d’une « police » des clauses non négociables

Qui plus est, les deux textes n’ont ni les mêmes conditions, ni ne répondent à la même philosophie. En un mot, l’art. L.442-6 du code de commerce fondent une police des marchés là où l’art. 1171 du Code civil permet au juge d’opérer une police des contrats. Le premier constitue un texte destiné à sanctionner les pratiques restrictives de concurrence d’une entreprise soustraite aux contraintes d’une concurrence effective et qui abuse de cette situation. D’ailleurs le texte ne sanctionne pas mécaniquement les clauses instituant un déséquilibre significatif. Il sanctionne en premier lieu le déséquilibre, lequel peut procéder aussi bien d’une clause que d’une pratique et il conditionne le prononcé de la sanction à la démonstration d’une soumission du partenaire commercial par l’entreprise qui profite de son avantage concurrentiel. Au reste, rien n’interdit de sanctionner le déséquilibre qui portent sur le prix imposé à des partenaires en situation de dépendance et de soumission. L’article 1171 du Code civil considère le déséquilibre significatif sous un angle bien différent. Il n’a pas été conçu comme l’instrument d’une lutte à l’encontre de pratiques restrictives de concurrence, ni même de pratiques déloyales. Il a pris forme à la lumière du constat que, dans un certain nombre de contrats, de nombreuses clauses ne font l’objet d’aucune négociation. Non pas que, nécessairement une partie faible serait soumise à une partie forte, mais bien plutôt que l’une des deux parties est indifférente au contenu des conditions générales rédigées par l’autre. Il n’y a pas eu d’exercice de la volonté lors des négociations si bien que celle-ci n’a pas joué son rôle naturel de rééquilibrage des intérêts en présence. L’autonomie de la volonté perd en conséquence en légitimité et l’on estime naturel que le juge puisse exercer un contrôle sur ces clauses qui n’ont pas même retenu l’attention de l’une des parties. En forçant le trait, on retiendrait presque que l’article 1171 du Code civil permet d’entreprendre un contentieux objectif, un procès fait à l’acte aux fins de l’abstraire de ses déséquilibres, tandis que l’article L.442-6 du code de commerce fonde un contentieux subjectif aux fins de traquer les pratiques déloyales et d’en sanctionner les auteurs. Les deux textes ont chacun leur économie propre et rien n’empêche leur application successive devant telle ou telle juridiction.

La loi du 20 avril 2018 a cependant modifié la définition du contrat d’adhésion soumis au contrôle des clauses abusives. Il est désormais présenté comme « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Si l’ « ensemble » est réellement ouvert à la négociation, il est permis de penser que les juges respecteront les résultats de cette dernière.

Les points clés

  • La loi n°2018-287 du 20 avril 2018 portant ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 confirme le principe d’un contrôle de l’abus dans les contrats d’adhésion ;
  • L’application de l’article 1171 du code civil, issu de cette loi, est cumulable avec les sanctions prévues par l’article L.442-6 du code de commerce ;
  • Les deux textes n’ont ni les mêmes effets, ni les mêmes conditions, ni la même économie et il n’y a pas lieu d’appliquer l’adage specialia generalibus derogant ;
  • La rédaction nouvelle des articles 1110 et 1171 du code civil permet cependant de cantonner le contrôle des clauses abusives.
  1. Cass. Civ. 3ème  18 novembre 2008, pourvoi n° 06–22.038, Bull. civ. III n° 201.

Réforme du contentieux de l’urbanisme 2018

Quelques avancées d’ores et déjà applicables pour accélérer la procédure

En matière de contentieux de l’urbanisme, le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 vient de modifier la partie réglementaire du Code de Justice administrative et du Code de l’urbanisme.

Ces nouvelles dispositions, désormais applicables à toute nouvelle requête enregistrée à compter du 1er octobre 2018, font suite au rapport du groupe de travail présidé par Madame Christine Maugüé, conseillère d’Etat, ayant formulé des « propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace ».

L’objectif, certes louable, n’est toutefois pas pleinement atteint. Il convient ici de retenir, de manière synthétique et non exhaustive, les avancées suivantes :

1. Nécessité pour le requérant de justifier in concreto de sa qualité et de son intérêt à agir

A peine d’irrecevabilité, la requête en annulation d’un arrêté valant permis de construire doit être accompagnée de l’acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant (titre de propriété, promesse de vente, bail…).

Pour une association, la requête doit être accompagnée, toujours à peine d’irrecevabilité, des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. (Article R.600-4 du Code de l’urbanisme)

2. Nécessité pour le requérant de confirmer sa requête au fond, passé l’éventuel rejet de la requête en référé suspension

A peine de désistement d’office, le requérant doit, en cas de rejet de sa requête en « référé-suspension » motivé par l’absence de moyen propre à créer un doute sérieux, et sauf éventuel pourvoi, confirmer sa requête au fond devant le Tribunal, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance. (Article R. 612-5-2 du code de justice administrative)

3. « Cristallisation » automatique des moyens

Passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, il n’est plus possible d’invoquer de moyens nouveaux. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

4. Limitation à dix mois du délai de jugement

Le Juge de première instance, comme le Juge d’appel, se doit désormais de statuer dans un délai de dix mois sur les recours contre un permis de construire relatif à un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

5. Réduction, d’un an à six mois, du délai de recours après achèvement

A l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction, aucune action en annulation du permis de construire ne peut plus être engagée. (Article R.600-3 du Code de l’urbanisme)

La toute prochaine Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » portera elle-aussi son lot d’évolutions. Toujours avec le même objectif. A suivre donc.

Le notaire et l’exécution forcée, Colloque de l’ARNU

Le 15 octobre dernier se tenaient les XXVIIIèmes Rencontres Notariat – Université, Journée Jean Derruppé, à L’Amphithéâtre Louis Liard de l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Le Colloque était organisé par l’Association Rencontres Notariat – Université. Il portait sur « le notaire et l’exécution forcée » et a permis d’aborder de nombreuses questions communes à toutes les professions juridiques, notaires, avocats, magistrats et huissiers, tout spécialement celle de savoir si la force exécutoire est détachable de l’authenticité.
Le rapport de synthèse a été assuré par notre associé, le Professeur Xavier Lagarde, et sera prochainement publié, ainsi que les actes du colloque, à La Semaine Juridique, édition notariale. Le colloque a été filmé et sera bientôt mis en ligne.

Pour en savoir plus : https://www.arnu.info/les-journees-jean-derruppe/

Précision sur les clauses de conciliation

Il est devenu d’usage d’insérer des clauses de conciliation dans les contrats d’affaires. Les parties perdent parfois de vue que cette clause donne naissance à une fin de non-recevoir, non régularisable en cours d’instance. La clause de conciliation peut donc être invoquée pour la première fois en cause d’appel et contraindre les parties à reprendre le litige en première instance, au risque que la prescription soit acquise (Cass. Com. 16 mai 2018, Pourvoi n°16-26.086). Par un arrêt du 3 octobre 2018 (pourvoi n°17-21.089), la Chambre commerciale a récemment précisé qu’une solution aussi exigeante ne s’applique cependant pas à une clause « par laquelle les parties au contrat se bornaient à prendre l’engagement de résoudre à l’amiable tout différend par la saisine d’un médiateur, faute de désigner celui-ci ou de préciser, au moins, les modalités de sa désignation ». Il faut cependant rester attentif car la troisième Chambre civile, compétente en matière immobilière, semble moins exigeante. Elle a retenu par le passé que la clause « selon laquelle, ‘pour tous les litiges pouvant survenir dans l’application du présent contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction’ » « instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir » (Cass. Civ. 3ème 19 mai 2016, Pourvoi n°15-14.464, Publié au bulletin).

DLBA fait jurisprudence

Dans un arrêt du 12 juillet 2018 (Pourvoi n°17-20.627) ayant eu les honneurs d’une « Publication au Bulletin », rendu au bénéfice des clients que le cabinet avait défendu avec succès devant les juges du fond, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que :

  • « l’action engagée (…) sur le fondement de la faute dolosive du constructeur, s’analysait en une action contractuelle et que, attachée à l’immeuble, elle était transmissible aux acquéreurs successifs » ;
  • « une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles » suffit à caractériser une faute dolosive du constructeur.

Le premier attendu confirme une jurisprudence acquise sur la nature contractuelle de l’action fondée sur la faute dolosive du constructeur. Le second attendu est significatif d’une évolution de la conception de la faute dolosive propre au constructeur. Alors qu’elle exigeait auparavant « une violation par dissimulation ou par fraude de ses obligations contractuelles » (Cass. Civ. 3ème 27 mars 2013, Pourvoi n°12-13.840, Bull. civ. III n°39), la cour de cassation semble aujourd’hui admettre qu’« une violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles » pour retenir la faute dolosive du constructeur. A suivre…

Le Cabinet DLBA se mobilise pour la cause nationale 2018 : la lutte contre la violence faite aux femmes !

Une équipe composée de salariés, de collaborateurs et d’associés participeront à la nuit des relais du 4 décembre 2018 dans le GRAND PALAIS de 19 à 23 heures, action organisée par la FONDATION DES FEMMES.
Leur course en relais permettra de récolter des fonds qui seront reversés aux associations qui soutiennent les femmes victimes de violence.

Notre équipe : AVO’COTES

Pour en savoir plus sur la NUIT DES RELAIS et nous suivre : cliquer ici

Faut-il abandonner la jurisprudence cesareo ?

Par Xavier Lagarde.
Plus une matière se nourrit de la jurisprudence et plus les juristes y distribuent les patronymes. En Assemblée plénière, la Cour de cassation a jugé le 7 juillet 2006 (Pourvoi n° 04-10.672) « qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ». Telle est la jurisprudence Cesareo qui consacre le principe dit de concentration des moyens. Ce revirement de jurisprudence continue faire trembler les conseils des parties, toujours en crainte d’avoir oublié un moyen sans pour autant disposer d’une session de rattrapage. Lorsqu’il y a un litige, il faut tout dire et tout de suite.

Lors des débats ayant conduit les Hauts magistrats à consacrer ce principe, plusieurs expressions sont revenues : loyauté procédurale, harcèlement judiciaire et gestion des flux. L’obligation d’exposer dès l’instance initiale l’ensemble des moyens serait, pour les justiciables, un gage de « sécurité judiciaire », un gain pour la loyauté, une défaite du harcèlement. L’institution judiciaire trouverait également avantage à une solution permettant d’assécher les plus mauvais flux dont les rôles sont encombrés.

Il faudrait une étude chiffrée pour le démontrer, mais il est probable que les attentes ont été déçues. L’observation est courante au Palais : si la jurisprudence Cesareo fait trembler les conseils des parties, elle suscite dans le même temps un contentieux qui se noue sur son exacte portée, accessoirement des écritures surchargées, voire amphigouriques, comme s’il fallait tout écrire pour être sûr de ne rien oublier. Au reste, une brève utilisation du site « Legifrance » montre qu’en recherche experte, l’entrée par l’expression exacte « autorité de la chose jugée » conduit à dénombrer 10768 arrêts de la Cour de cassation. 4283 sont postérieurs à l’arrêt du 6 juillet 2006. Pour la période ayant couru du 6 juillet 1996 au 6 juillet 2006, d’une durée à peu près équivalente à celle ouverte par la jurisprudence Cesareo, et toujours selon le même procédé, il n’y a que 2515 arrêts. Il faut sans doute ne pas solliciter les chiffres. Tous les arrêts qui contiennent l’expression « autorité de la chose jugée » n’ont pas nécessairement statué sur l’application des articles 1351 (devenu 1355) du Code civil ou 480 du code de procédure civile. Pour autant, les éléments recueillis en première observation constituent des indices sérieux d’une absence de décrue du contentieux de la chose jugée.

Il est probable que cette déception procède d’une erreur de diagnostic qui constitue, malheureusement depuis quelques années le « marronnier » de la plupart des réformes en procédure civile. C’est l’obsession de la loyauté, cette croyance absurde et dangereuse que les maux de la procédure ont pour cause la mauvaise foi des plaideurs. Les procès sont des combats et les prétoires, une terre d’accueil pour les esprits querelleurs. Pour autant, la quérulence est une pathologie. La norme est bien différente. Le plaideur qui soumet de nouveau ses prétentions à un juge est en fait assez rare. Et s’il se décide à engager les frais d’une seconde procédure, c’est en réalité qu’ayant fait son examen de conscience après un premier échec, il estime qu’autrement étayée, sa cause a désormais plus de chances de prospérer. La déception et l’espoir sont les ressorts d’un second procès, bien plus souvent que l’intention de nuire et le goût de la dispute. Or, la règle se fixe en considération de la norme. C’est aux exceptions qu’il revient de traiter les divergences. C’est ainsi que la bonne foi se présume, que, néanmoins, la fraude corrompt tout. Dans le même esprit, le droit d’agir est un droit fondamental qui s’exerce librement, même s’il arrive, en quelques occurrences, que tel un ou tel autre en abusent. Dans les hypothèses assez rares où un justiciable renouvelle son action avec pour unique ambition de causer un trouble à son adversaire, il y a donc des moyens de sanctionner la mauvaise foi, sans compter les marges de manœuvre dont dispose le juge lorsqu’il applique l’article 700 du code de procédure civile. La crainte du dilatoire et du harcèlement comme principe de régulation est d’autant plus infondée que, depuis la réforme du 17 juin 2008, la durée de la prescription de droit commun est de 5 ans et qu’il est des prescriptions plus courtes, sans même compter les nombreuses forclusions. L’insécurité judiciaire ne dure qu’un temps.

Les insuffisances et les travers des justiciables et de leurs conseils ne sont donc pas tels qu’il faille rêver d’une procédure conduite par de parfaits plaideurs. Ce serait faire l’un de ces rêves dont on sort de méchante humeur. L’unique ambition de prévenir la mauvaise foi conduit en réalité à la présumer et à constituer la défiance en norme de comportement. Les bonnes mœurs du Palais consistent alors à présumer les mauvaises manières de tous ceux qu’on y croise. De cet état d’esprit, la dégradation des relations entre les juges et les avocats est sans doute le meilleur témoin.

Le moment est venu, avec 10 ans de recul, d’apprécier les mérites de cette jurisprudence contestée.

Le projet de loi PACTE (ou projet dit LEMAIRE)

Le projet de loi PACTE (pour Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), présenté en Conseil des Ministres le 18 juin dernier se veut ambitieux. Selon les mots du Ministère, il « ambitionne de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois. Élaboré selon la méthode de la co-construction avec tous les acteurs, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018 ». Que prévoit-il ?
– D’abord des changements symboliques. Il est à prévoir que désormais, l’article 1833 du Code civil, qui rappelle qu’une société est « constituée dans l’intérêt commun des associés », dispose désormais qu’elle l’est aussi en considération des « enjeux sociaux et environnementaux inhérents à son activité » ; d’ailleurs, les statuts d’une société pourront désormais intégrer « un projet entrepreneurial répondant à un intérêt collectif » ;

– Ensuite et surtout, des nouveautés plus opérationnelles.

  • Création d’une plateforme en ligne unique aux fins de permettre la création d’une entreprise ;
  • Une simplification des seuils applicables au PME ; il n’y en aurait plus que 3 : 11, 50 et 250 salariés ; également, un relèvement des seuils de certification légale des comptes, cette dernière imposée aux entreprises remplissant 2 des 3 conditions suivantes : bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros, CA supérieur ou égal à 8 millions d’euros, effectif de 50 salariés et plus ;
  • Une clarification du droit des sûretés ; le projet ne donne pas de détails, mais on comprend qu’il s’agit de lever les hésitations nées de l’interprétation des dispositions issues l’importante réforme de 2006 ;
  • L’instauration de la liquidation judiciaire simplifiée pour toutes les entreprises de moins de 5 salariés ;
  • Encouragement de la transmission de l’entreprise aux salariés par un assouplissement du crédit d’impôt rachat des entreprises.

On trouvera l’ensemble du projet sur le site economie.gouv.fr. A noter au passage, les privatisations programmées d’Aéroports de Paris et de la Française des Jeux et la suppression de la contrainte de détention d’une partie du capital d’ENGIE par l’Etat.

Le harcèlement moral ou le syndrome du marronnier…

La Cour de cassation n’imagine pas plus qu’aucune autre institution sérieuse que les relations de travail soient toujours un tapis de rose. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle s’y tenait le 21 juin dernier un important colloque sur les risques psycho-sociaux en entreprise. Pour autant, le risque existe de donner une part trop importante aux aspects psychologiques du lien salarial. Entre l’employeur et le salarié, la relation est individuelle. Néanmoins, elle s’insère dans un collectif, fait de projets communs, de réussites partagées, de conflits également entre des intérêts qui parfois divergent. A trop insister sur la dimension individuelle et donc psychologique de cette relation, on en perd de vue les aspects objectifs. La confusion entre le normal et le pathologique guette. Là où il y a des mésententes, qui sont le lot de toute association, on verra trop souvent du harcèlement. Qu’on en juge, depuis l’entrée en vigueur de loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, ayant pour la première fois défini et sanctionné le harcèlement moral (« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »), la Cour de cassation ¬ Chambre sociale et Chambre criminelle ¬, a rendu plus de 2500 arrêts sur la question. Pour les 6 premiers mois de l’année 2018, nous en sommes déjà à plus de 100 dossiers. C’est beaucoup. Consciente de la personnalisation excessive des relations de travail que pourrait susciter une instrumentalisation de la notion de harcèlement moral dans le traitement des difficultés qui affectent celles-ci, la Cour de cassation veille à contenir la notion. Dans cette veine et afin d’éviter qu’une défiance de principe ne s’instaure entre collègues, la Chambre sociale juge dernièrement que « les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail (qui allège la charge probatoire du salarié qui se prétend victime du harcèlement) ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d’un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral » (Cass. soc. 6 juin 2018, Pourvoi n°16-26.490). La Chambre criminelle, à propos du délit de harcèlement moral prévu par l’article 222-33-2 du code pénal, a de son côté jugé que « l’infraction prévue par ce texte n’est constituée que si les propos ou comportements qu’il vise sont répétés » de sorte que l’envoi de plusieurs courriels le même jour ne permet de considérer l’infraction constituée (Cass. crim. 9 mai 2018, Pourvoi n°17-83.623, Publié au Bulletin).