Sous-location / AirBnB : les loyers issus d’une sous-location non autorisée reviennent au bailleur

(Cass. 3ème civ., 12 septembre 2019, n°18-20.727, publié au Bulletin)
Dans cette affaire, une SCI avait donné à bail un appartement à un couple suivant contrat de location en date du 16 avril 1997.

Le 8 avril 2014, l’appartement a été vendu et le nouveau propriétaire a délivré aux locataires un congé pour reprise à son profit, puis les a assignés en validité du congé.

Ayant constaté que les locataires avaient sous-loué l’appartement pour des séjours de courte durée, le nouveau propriétaire a également sollicité le remboursement des sous-loyers en exécution de son droit d’accession.

Aux termes d’un arrêt inédit destiné à la publication, la Cour de cassation rappelle qu’en application des articles 546 et 547 du Code civil, « sauf lorsque la location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire. »

Par conséquent, la Cour de cassation approuve la condamnation des locataires à rembourser leur propriétaire des sommes perçues grâce à la sous-location irrégulière de leur appartement.

L’impact de la réforme du droit commun des contrats sur les professionnels de l’immobilier (Loi Hoguet)

Restitution de la Conférence faite par Xavier Lagarde au Forum de l’UNIS, le 4 avril 2019
Aucune profession n’échappe au droit commun. Même dans les secteurs les plus réglementés. Les banquiers s’en souviennent lorsque sur le fondement de la théorie de la cause (sur la définition de laquelle, la doctrine n’est jamais parvenue à s’entendre), la Cour de cassation a sanctionné la pratique des dates de valeur, ou encore, lorsque certains juges du fond ont imaginé que les taux variables en fonction du taux de base bancaire étaient irréguliers pour être contraires à l’exigence de détermination de l’objet. Les assureurs également qui ont dû batailler de longues années pour obtenir, après que la jurisprudence ait prononcé leur nullité, toujours sur le fondement de la théorie de la cause, la validité partielle des clauses limitant dans le temps les garanties subséquentes. Les professionnels de l’immobilier également lorsque la cour de cassation a jugé qu’au motif que les obligations de faire se résolvent en dommages et intérêts (par la suite, la motivation a évolué), le promettant peut rétracter sa promesse pendant le délai d’option.

Le droit commun est une toile de fond et il est normal que ses évolutions ne soient pas la préoccupation majeure de professionnels qui ont déjà fort à faire pour être conformes aux règles qui encadrent leur activité. Pour autant, il arrive que la toile se resserre et la sanction peut faire mal.

Specialia generalibus derogant

La réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016, puis, plus partiellement par la loi de ratification du 20 avril 2018, a introduit à l’article 1105 du code civil la règle suivante : « Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».

Ce texte ne dit pas grand-chose.

Il faut savoir que la réforme du droit des contrats par voie d’ordonnance n’a pas fait que des heureux. Notamment, les sénateurs se sont sentis floués et ils ont souhaité que la loi de ratification soit l’occasion d’aménagements. A défaut d’aménagements, ils ont pris soin de donner leur interprétation des textes de l’ordonnance. Précisément, à propos de l’article 1105, il est exposé dans le Rapport PILLET que :

« Votre commission estime que le silence du droit spécial, de même que sa simple compatibilité avec le droit commun ne peuvent pas conduire automatiquement à l’application du droit commun : une appréciation au cas par cas devra être assurée, en prenant en compte la cohérence interne du droit spécial, car une application simultanée du droit commun et du droit spécial, même si elle est formellement possible, n’est pas toujours pertinente et justifiée. En particulier, l’application du droit commun ne peut conduire à dénaturer la cohérence ou méconnaître l’esprit du droit spécial. »

Au cours des débats, les sénateurs se montrent plus audacieux. Le Rapporteur énonce « l’importance des travaux préparatoires » qui, ose-t-il, « lient le magistrat ». Autant le dire tout de suite, c’est un rêve de sénateurs. Les travaux préparatoires sont un élément d’interprétation parmi d’autres, rien de plus. Ils ne sont rien de plus en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Ils sont d’autant moins qu’ils précèdent des textes de portée générale sur lesquels les juges ont traditionnellement la main. Ils sont encore moins qu’ils sont l’expression d’un excès de zèle du pouvoir législatif (en l’espèce sénatorial).

Il faut donc bien se mettre en tête que les règles spéciales ne chassent pas les règles générales. Une règle spéciale s’applique par priorité à une règle générale si les deux règles sont également applicables à une même situation et que leur application cumulative conduit à des solutions contradictoires. Autant dire que le compte y est rarement (ex. : prescription). Dans les prétoires, l’adage specialia generalibus derogant n’est pas l’arme fatale. Si les règles spéciales ne disent rien, le droit commun s’engouffre.

Les clauses abusives et les contrats d’adhésion

C’est à propos du dispositif de sanction des clauses abusives dans les contrats d’adhésion (art. 1110 et 1171 nouveaux du code civil) que la discussion sur l’articulation des règles spéciales et des règles générales a été la plus rude.

Le Rapport PILLET offre l’analyse suivante :

De façon à expliciter l’intention du législateur lors de la ratification de l’ordonnance et à assurer la cohérence du droit, votre commission indique que l’article 1171 du code civil ne peut s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6 du code de commerce et par l’article L. 212-1 du code de la consommation, lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation. L’article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d’adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants. La jurisprudence relative à l’article L. 442-6, en admettant la nullité, invite d’ailleurs à cette interprétation, selon laquelle le droit spécial admettant une nullité, le droit commun prévoyant la même sanction n’a pas à s’appliquer.

Pour autant, les juridictions s’inspireront très vraisemblablement de la jurisprudence déjà établie au titre des deux dispositifs existants dans le code de commerce et dans le code de la consommation pour former leur pratique jurisprudentielle sur le nouveau dispositif du code civil.

Dès lors, l’article 1171 du code civil ne s’applique qu’à un champ assez limité de contrats d’adhésion ne relevant ni des relations commerciales – les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial » – ni du code de la consommation – les relations entre un professionnel et un consommateur. Seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d’un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l’activité ne relève pas du champ commercial. Seraient aussi concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation.

Cette analyse n’est probablement pas exacte. Certes dans les relations de consommation, l’article L. 212-1 du code de la consommation sera préféré à l’article 1171 du code civil. Pas parce que l’un a priorité sur l’autre. Tout simplement parce que, pour un consommateur, il est plus intéressant d’invoquer ce texte. Le texte comporte une annexe réglementaire qui cible les clauses abusives, la CCA s’intéresse régulièrement aux contrats-types, il y a une jurisprudence maintenant bien constituée. Bref, le consommateur (plutôt l’association) sait de quoi il retourne.

Dans les relations entre professionnels, l’article 1171 du code civil s’appliquera. Il existe certes déjà un texte, l’article L.442-6 du code de commerce. Les deux textes n’ont ni les mêmes conditions, ni les mêmes effets. 1171 institue une police des contrats en servant de point d’appui à l’éradication des clauses abusives. L.442-6 permet une police des marchés par la mise en cause de la responsabilité des auteurs de pratiques déloyales, voire, sur l’action du Ministre par leur mise à l’amende. Il sera certes plaidé que les professionnels relevant de l’article L.442-6 ne peuvent faire l’objet d’actions en suppression de clauses abusives, mais je pense que cette plaidoirie tournera court.

Il faut donc se préparer. 2 questions : qu’est-ce qu’un contrat d’adhésion ? Qu’est-ce qu’un Qu’est-ce donc qu’une clause abusive ?

Un contrat d’adhésion. Il est une hypothèse simple : le formulaire qu’on imprime et sur lequel on demande au cocontractant, après avoir coché une case, suivi de la mention dactylographiée « je reconnais avoir pris connaissance des CG et les approuver », puis de la mention manuscrite « lu et approuvé », puis de la signature. A coup sûr, c’est un contrat d’adhésion.

L’hypothèse compliquée est celle dans laquelle certaines clauses ont été négociées, d’autres non.

Le rapport PILLET indique :

« Le critère distinctif pertinent est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation, de façon à assurer une cohérence avec le dispositif de l’article 1171. Des stipulations qui ne sont pas négociables, déterminées unilatéralement par une partie, peuvent créer un déséquilibre significatif entre les droits des parties dans la mesure où la partie qui n’a pas pu les discuter doit les accepter, sans autre choix possible, si elle veut contracter. Il faut qu’une partie ne soit pas en mesure de négocier pour que la question du caractère abusif d’une clause puisse logiquement se poser ».

Appréciation in abstracto ou in concreto ? L’impossibilité de négocier doit-elle s’apprécier abstraction faite des circonstances, ce qui reviendrait par exemple à présumer que le non professionnel, en général, n’a pas la possibilité de négocier les clauses rédigées par le professionnel. L’impossibilité doit-elle s’apprécier au cas par cas ? Comme à chaque fois qu’on se pose la question, la jurisprudence se livre aux deux types d’appréciation. Si elle a des éléments concrets d’appréciation, elle donne la priorité à ces derniers (par ex., certaines clauses ont été modifiées, ce qui veut bien dire que certaines clauses de l’ensemble étaient négociables). Si elle manque d’éléments concrets, elle présume l’absence de négociabilité des clauses préimprimées.

Une clause abusive. C’est en principe une clause accessoire au contrat, qui déroge aux règles supplétives, à l’avantage du professionnel et sans contrepartie ou motif légitime. Ex. : dans un mandat, la clause de résiliation qui déroge au principe de libre révocabilité et de libre renonciation.

On peut conceptualiser l’abus, mais pas « au centime près ». L’abus reste une notion intuitive. Si le législateur a introduit la sanction des clauses abusives en 1978, c’est parce qu’à l’époque, certains trouvaient que les professionnels « abusaient », comme d’aucuns diraient « il y a de l’abus ». Cette inspiration familière demeure de sorte que, pour identifier l’abus, le sentiment premier d’un lecteur moyen à la lecture d’une clause reste un premier indicateur assez fiable. Lorsqu’un contrat de gestion locative prévoit que le gestionnaire à charge de « conserver les dépôts de garantie et en restituer au dépositaire vis-à-vis des locataires. Le cas échéant, le mandataire conservera à son profit tous les produits liés au placement de ces fonds ». Un mandant (qui a forcément tort) peut se dire qu’on se fait de la laine sur son dos. L’article 1936 du code civil dit d’ailleurs que « si la chose déposée a produit des fruits qui aient été perçus par le dépositaire, il est obligé de les restituer ». Le même article dit que le dépositaire « ne doit aucun intérêt de l’argent déposé », mais ceci ne veut pas dire que s’il investit les sommes déposées il puisse garder les fruits. On voit donc que la clause déroge, à l’avantage exclusif du professionnel. Il faut donc qu’il y ait une contrepartie. On la connaît : une baisse du prix ; il serait bon de pouvoir en justifier.

Information et sanction

L’information est partout et l’article 1112-1 du code civil, lui aussi issu de la réforme du 10 février 2016, peut être perçu comme la synthèse d’une multitude de textes imposant une telle obligation d’information, comme par exemple ceux du code de la consommation (art. L 111-1, L. 112-1).

La difficulté que présente ce genre de texte tient à l’insécurité juridique qu’il crée. Insécurité sur le contenu de l’exigence, insécurité sur les sanctions.

Insécurité sur le contenu. Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. On comprend à première lecture, ce qui est mauvais signe. Car en réalité, on sait bien que la langue des juristes est toujours en décalage avec le langage commun. « qualité substantielle » = « qualité convenue » ; « en fait de meuble possession vaut titre » = « la possession de bonne foi d’un meuble corporel donne la qualité de propriétaire à l’acquéreur a non domino ». Entre ce qu’on comprend à première lecture et la signification juridique du texte, il y a nécessairement un écart.

La difficulté est que cet écart, les juristes ne le maitrisent pas, au moins pour l’instant. Tous les mots soulèvent des difficultés d’interprétation : « information » (mise en garde ?), « importance », « déterminant », « légitimement », « confiance » ? On voit régulièrement poindre des contentieux (notamment sur les investissements défiscalisés) qui tournent autour de l’information et il est bien difficile d’en appréhender l’issue. Il faut savoir que le texte général est une reprise d’une brillante synthèse doctrinale (J. Ghestin). Simplement, une synthèse est une proposition intellectuelle dont la seule fonction est de décrire l’évolution du droit positif. Elever cette proposition savante au rang de règle de droit change la donne juridique sous deux angles :

  • Là où il n’y avait pas d’obligation d’informer, il y en a une ;
  • Là où il y avait une règle spéciale, il faut probablement prévoir un cumul avec la règle générale (se demander si les informations transmises au titre de l’application de la règle spéciale sont suffisantes au regard des attentes, au cas par cas, du client).

La solution prudente est la suivante : généraliser les formes prescrites par le code de la consommation (sans toutefois les viser, sinon il existe un risque de soumission volontaire), car en principe, elles sont plus exigeantes que l’OPI du code civil. Il faut cependant tenir compte des informations attendues du client qui demande du « surmesure ».

Insécurité sur la sanction. Il existe une échelle de sanctions et il n’est pas simple d’identifier l’échelon.

Le minimum : les sanctions civiles traditionnelles : nullité et responsabilité. Elles sont a priori peu dangereuses. Il faudra démontrer un vice du consentement pour obtenir la nullité (soit une erreur sur une qualité substantielle, soit un dol intentionnel). Il faudra démontrer un préjudice pour obtenir ne mise en jeu de la responsabilité. Or, si la prestation a été correctement fournie, le préjudice est souvent insignifiant.

Cette configuration est de plus en plus rare et l’idée que le bon professionnel peut se passer de formalités inutiles ne séduit plus vraiment.

Il existe souvent des sanctions pénales, ce qui a conduit les juges à faire un usage de plus en plus fréquent d’une sanction civile originale et qui présente tous les traits d’une « punition ». Il s’agit de la déchéance, sanction civile qui consiste à priver le professionnel de sa créance si l’information sur cette dernière est jugée insuffisante. Par ex. l’article L. 221-6 du code de la consommation prévoit que « si le professionnel n’a pas respecté ses obligations d’information concernant les frais supplémentaires mentionnés à l’article L. 112-3 et au 3° de l’article L. 221-5, le consommateur n’est pas tenu au paiement de ces frais ». La jurisprudence l’a fait plus récemment pour un syndic nommé chaque année en AG, faisant voter un budget prévisionnel comportant une ligne explicitant clairement le montant de ses honoraires. La cour de cassation a jugé l’information insuffisante et a sanctionné l’insuffisance d’information par la perte totale du droit aux honoraires, alors qu’aucune critique sur la qualité du travail accompli n’avait été retenue et que le montant des honoraires avait été préalablement jugé raisonnable. Quand on sait que le CA du syndic provenait essentiellement de mandats donnés par un ensemble de grandes copropriétés logées dans un même périmètre, que les syndicats s’étaient réunis en association et qu’ils ont ainsi obtenus le remboursement de l’intégralité de leurs honoraires, dans la seule limite alors de la prescription trentenaire, vous ne serez pas surpris d’apprendre que ce syndic a été mis en liquidation. On trouve aujourd’hui des jurisprudences moins désastreuses.

La sanction d’une insuffisance d’information donne ainsi lieu à un étalonnage dont la maitrise demeure incertaine. On se demande parfois si ce n’est pas fait exprès. Comme si l’incertitude de la sanction était la meilleure incitation à ne prendre aucun risque.

Copropriété : impossibilité pour un copropriétaire de demander l’annulation de l’assemblée générale en cas de vote en faveur de certaines résolutions

(Cass. 3ème civ. 14 mars 2019, FS-P+B+I, n°18-10.379).
Dans cette affaire, un copropriétaire a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation d’une assemblée générale en invoquant le non-respect du délai de convocation prévu à l’article 9 du décret du 17 mars 1967. En appel, le copropriétaire a sollicité, subsidiairement, l’annulation de quinze décisions prises en assemblée générale.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré irrecevable la demande d’annulation de l’assemblée générale dans son intégralité au motif que le copropriétaire demandeur avait voté en faveur de certaines des résolutions.

Par ailleurs, la Cour d’appel a également déclaré irrecevable la demande subsidiaire d’annulation des quinze décisions en retenant que la demande était nouvelle, comme n’ayant pas été présentée en première instance, et avait été formée après l’expiration du délai de deux mois.

La Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel sur le premier point.

En revanche, elle infirme l’arrêt d’appel sur le deuxième point, en reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir « recherché si la demande subsidiaire en annulation de quinze décisions n’était pas virtuellement comprise dans la demande en annulation de l’assemblée générale »

La Cour de cassation ne tranche toutefois pas cette question et renvoie les parties devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée.

La décision de la Cour d’appel est donc attendue sur ce point.

Baux commerciaux : transmission à l’acquéreur de l’immeuble de l’obligation d’effectuer des travaux en exécution d’une condamnation antérieure à la vente

(Cass. 3ème civ., 21 février 2019, FS-P+B+I, n° 18-11.553)
En l’espèce, le titulaire d’un bail portant sur un immeuble à usage commercial et d’habitation a obtenu en première instance la condamnation de son bailleur à faire réaliser des travaux dans l’immeuble.

Entre le jugement de première instance et l’arrêt d’appel, l’immeuble donnée à bail a été vendu par voie d’adjudication.

En appel, le locataire a demandé la condamnation in solidum du nouveau propriétaire, adjudicataire de l’immeuble donné à bail.

La Cour de cassation approuve l’arrêt de la Cour d’appel ayant fait droit à la demande du locataire en retenant que le nouveau propriétaire était, depuis son acquisition, tenu d’une obligation envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué.

Construction : validité de la clause du contrat d’architecte excluant toute condamnation solidaire ou « in solidum » avec celle des autres intervenants

(Cass. 3ème civ., 14 février 2019, FS-P+B+I, n° 17-26.403)
Dans cette affaire, un maitre d’ouvrage a fait construire un immeuble en vue de le vendre par lots en l’état futur d’achèvement.

En cours de chantier, des infiltrations dans les logements en provenance des toitures-terrasses et des balcons ont été constatées.

Le maître d’ouvrage a déclaré le sinistre a son assureur dommages-ouvrage. Après expertise, l’assureur dommages-ouvrage, subrogé dans les droits du maitre d’ouvrage, a assigné les intervenants en remboursement des sommes versées au maître d’ouvrage.

En première instance, les différents responsables, notamment l’architecte de l’opération, ont été condamné in solidum à rembourser l’assureur dommages ouvrage.

La Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement de première instance au regard d’une clause figurant dans les conditions générales du contrat de l’architecte et qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables sans viser expressément l’hypothèse de la condamnation in solidum.

Pour rappel, une condamnation solidaire exige par principe un fondement légal ou contractuel (articles 1310 et 1313 du Code civil). Toutefois, lorsque les conditions de la solidarité ne sont pas réunies, les constructeurs peuvent être condamnés « in solidum » en cas de concours de responsabilités et de dommage unique (voir par exemple Cass. 3ème civ. 23 septembre 2009, n°07-21634).

La Cour de cassation valide l’interprétation de la Cour d’appel qui a retenu que l’application de cette clause, qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables, n’était pas limitée à la responsabilité solidaire et s’appliquait également à la responsabilité in solidum.

Construction : Preuve par tous moyens du caractère contradictoire de la réception

(Cass. 3ème civ., 7 mars. 2019, FS-P+B+I, n° 18-12.221)
Dans cette affaire, des maîtres d’ouvrage ont fait réaliser des travaux de rénovation et d’extension d’une maison et de construction d’un logement de gardien en confiant la majorité des travaux à une entreprise unique.

En cours de chantier, les maîtres d’ouvrage ont décidé de résilier le marché de cette entreprise et l’ont convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée également le même jour en télécopie, afin d’établir un état des lieux valant procès-verbal de réception.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné in solidum le maître d’œuvre et l’entreprise au paiement du coût des travaux de reprise.

Devant la Cour de cassation, l’assureur de l’entreprise soutenait que l’absence de l’entreprise aux opérations de réception, quand bien même elle aurait été convoquée, privait la réception de tout caractère contradictoire.

Le pourvoi est rejeté au motif que l’entreprise avait été dûment convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et par une télécopie du même jour.

La Cour de cassation considère que dans ces conditions, l’absence de l’entreprise ne pouvait priver la réception de son caractère contradictoire.

Urbanisme : Responsabilité de la commune en cas de délivrance d’un certificat d’urbanisme reprenant les dispositions illégales du plan local d’urbanisme (PLU)

(CE 18 février 2019 Commune de L’Houmeau, req. n° 414233 : mentionné aux tables du recueil Lebon)
Dans cette affaire, des particuliers ont fait l’acquisition d’une parcelle de terrain sur la commune de L’Houmeau (Charente Maritime) afin d’y construire une maison d’habitation.

Le permis de construire délivré pour la construction de cette maison a été annulé au motif qu’en dépit du classement partiel du terrain d’assiette par le plan local d’urbanisme (PLU) en zone UEb, où est autorisée la construction d’un habitat de faible hauteur, il méconnaissait certaines dispositions de la loi « Littoral » (article L. 146-4-III du code de l’urbanisme).

Les propriétaires du terrain ont alors demandé la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices résultant, notamment, de la délivrance, avant leur acquisition, d’un certificat d’urbanisme qui mentionnait que la parcelle était partiellement située en zone UEb.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à leur demande en jugeant que la mention du classement du terrain dans cette zone, alors qu’il ne pouvait être regardé comme un espace urbanisé entachait d’illégalité le certificat d’urbanisme.

Cet arrêt est confirmé par le Conseil d’Etat qui rappelle qu’ « en vertu d’un principe général, il incombe à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. »

Responsabilité des constructeurs : Précision sur la prescription applicable aux recours entre locateurs d’ouvrage

(CA Paris 10 octobre 2018, n°15/24033)
Dans un arrêt du 10 octobre 2018, la Cour d’appel de Paris apporte un éclairage intéressant sur la question de la prescription applicable aux recours entre locateurs d’ouvrage. Pour rappel, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en responsabilité civile de droit commun se prescrit par 5 ans à compter de la manifestation du dommage (article 2224 du Code civil). Par ailleurs, l’article 1792-4-3 du Code civil issu de la même réforme dispose qu’en « dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».

Un débat s’est ouvert sur le point de savoir si les recours entre locateurs d’ouvrage doivent obéir aux délais de l’article 2224 (5 ans à compter de la manifestation du dommage) ou de l’article 1792-4-3 du Code civil (10 ans à compter de la réception). Dans une décision empreinte de pédagogie, la Cour d’appel de Paris tranche cette question en jugeant que :

« L’article 1792-4-3 ne mentionne effectivement pas la qualité du demandeur exerçant les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous traitants en dehors de celles régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2.

Cet article figure toutefois dans un chapitre consacré au ‘contrat de louage d’ouvrage et d’industrie’ et parmi des dispositions régissant les actions en responsabilité exercées par le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage en vue de la réparation de désordres de construction.

L’article 1792-4-3 du code civil ne concerne donc que les actions exercées par le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur et non les actions en responsabilité (contractuelle ou délictuelle) formées par un constructeur à l’encontre d’un autre constructeur ou à l’encontre du sous traitant de ce dernier, de telles actions ne tendant pas à la réparation d’un désordre de construction mais à la fixation de la part contributive des constructeurs entre eux.

Il en résulte que les actions récursoires exercées par un constructeur contre un autre ou contre un sous traitant de ce dernier sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou quasi délictuelle sont régies, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 , par l’article 2224 du code civil et non par l’article 1792-4-3 du même code lequel ne concerne que les actions exercées par le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur. »

Une décision de la Cour de cassation est attendue afin de clore définitivement le débat.

Les dispositions phares de la loi Elan

La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi ELAN »), a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Le texte comporte 234 articles et apporte des modifications importantes dans de nombreux domaines du droit immobilier.
Il y a lieu de préciser que la plupart des mesures issues de la loi ELAN sont d’application immédiate ou sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019. Néanmoins, certaines des dispositions de la loi n’entreront en vigueur qu’après la parution de décrets d’application.

C’est ici l’occasion de revenir sur quelques mesures phares de la loi dans les domaines du droit de la construction, de la copropriété, de l’urbanisme et du logement, étant précisé que cette présentation n’a évidemment aucun caractère exhaustif.

1.- Droit de la construction : évolution du régime de la VEFA

Parmi les diverses dispositions destinées à encourager les projets de construction, la loi Elan modifie en certains aspects le régime applicable à la VEFA dans le secteur protégé (immeubles d’habitation ou à usage mixte) :

• Consécration de la VEFA avec travaux réservés par l’acquéreur (article 75 de la loi Elan)

La loi Elan prévoit que le contrat préliminaire pourra comporter une clause par laquelle l’acheteur se réserve la réalisation de travaux de finition ou l’installation d’équipements après la livraison de l’immeuble. Le but est de permettre la cession en VEFA de biens « prêts à finir » ou « bruts de béton », ce que ne permettait pas jusqu’alors la réglementation applicable. Le contrat préliminaire devra comporter une clause en caractères très apparents stipulant que l’acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux, qu’il réalise après la livraison de l’immeuble (article L. 261-15 du CCH). Dans ce cas, le contrat préliminaire devra préciser :

– Le coût total du bien composé du prix convenu et du coût des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le vendeur ;

– Le délai dans lequel l’acquéreur peut revenir sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux. Si l’acquéreur exerce ce droit, le vendeur est tenu d’exécuter ou de faire exécuter les travaux initialement réservés.

L’entrée en vigueur de cette mesure est subordonnée à la publication d’un décret qui précisera les conditions d’application de la mesure et notamment la nature des travaux dont l’acquéreur peut se réserver l’exécution.

• Précisions sur les modalités de déclenchement et de mise en œuvre de la garantie d’achèvement (article 75 de la loi Elan)

Dans le cadre du secteur protégé, l’article L. 261-10-1 du Code de la construction et de l’habitation impose au vendeur de fournir à l’acquéreur une garantie de remboursement ou une garantie financière d’achèvement (GFA).La loi ELAN clarifie les modalités de déclenchement de la garantie financière d’achèvement en précisant qu’elle pourra être mise en œuvre en cas de « défaillance du vendeur caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. »

Par ailleurs, la loi ELAN offre la possibilité au garant de faire désigner, par ordonnance sur requête, un administrateur ad hoc, qui assure la maîtrise d’ouvrage de l’opération aux frais du garant.

Ces dispositions sont d’application immédiate.

2.- Droit de la copropriété : diverses modifications et habilitation du gouvernement à réformer par voie d’ordonnances (article 209 de la loi ELAN)

La loi ELAN apporte diverses modifications à la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété. Par ailleurs, la loi ELAN habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin, d’une part, de moderniser le statut issu de la loi du 10 juillet 1965 (sous douze mois) et, d’autre part, de créer la partie législative d’un code relatif à la copropriété afin de regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété (dans un délai, cette fois, de vingt-quatre mois) (article 215 de la loi ELAN).

Parmi les dispositions prévues par la loi ELAN :

• Consécration par la loi des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance privative (article 209 de la loi ELAN). La loi ELAN consacre la définition des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance privative telles que retenues par la jurisprudence en disposant que :

– Les parties communes spéciales sont celles affectées à l’usage et à l’utilité de plusieurs copropriétaires,

– Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot.

La loi ELAN précise également que l’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété, étant précisé que les syndicats des copropriétaires ont jusqu’au 23 novembre 2021 pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité. Cette mesure est d’application immédiate.

• Simplification de la procédure de vote aux AG (article 211 de la loi ELAN). La loi ELAN prévoit la possibilité pour les copropriétaires de :

– Participer à l’assemblée par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant une identification,

– Voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée au moyen d’un formulaire. L’entrée en vigueur de cette mesure est toutefois subordonnée à la publication d’un décret qui précisera les conditions d’identification des copropriétaires usant de moyens de communication électronique pour participer à l’assemblée générale, les mentions du formulaire de vote par correspondance et ses modalités de remise au syndic.

• Raccourcissement du délai de prescription des actions personnelles (article 213 de la loi ELAN). Le régime des actions dites personnelles entre des copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat est unifié sur le délai de 5 ans du droit commun (article 2224 du Code civil) au lieu de 10 antérieurement. Cette mesure est d’application immédiate.

• Raccourcissement du délai de notification des décisions prises en AG de copropriété (article 213 de la loi ELAN). La loi ELAN prévoit que la notification du procès-verbal devra désormais intervenir dans un délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée générale (et non plus deux mois). Cette mesure est d’application immédiate.

3.- Droit de l’urbanisme : volonté de favoriser la réalisation de projets d’aménagement, moderniser l’instruction et limiter les recours

La loi ELAN comporte des dispositions diverses, concernant notamment les documents et les autorisations d’urbanisme, les procédures d’aménagement ainsi que le contentieux de l’urbanisme. Par ailleurs, la loi ELAN habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin, d’une part, de simplifier la hiérarchie des normes et, d’autre part, de préciser le rôle et le contenu du schéma de cohérence territoriale (sous dix-huit mois) (article 46 de la loi ELAN).

La loi ELAN crée par ailleurs de nouveaux outils : le projet partenarial d’aménagement (PPA) et la grande opération d’urbanisme (GOU) (article 1 de la loi ELAN).

Afin de favoriser la réalisation d’opérations d’aménagement de grande envergure, la loi ELAN crée le contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA), lequel peut être conclu entre l’Etat, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un établissement public territorial, la Ville de Paris, la métropole de Lyon, un Etablissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou/et une ou plusieurs communes membres de l’EPCI concerné.

Une opération d’aménagement peut être qualifiée de grande opération d’urbanisme (GOU) lorsqu’elle est prévue par un contrat de projet partenarial d’aménagement et que, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’Etat et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public cocontractant. La qualification de grande opération d’urbanisme permet de déroger à certaines règles de droit commun afin de faciliter le projet d’aménagement. L’objectif de ces nouveaux outils créés par la loi ELAN est de dépasser le cadre communal pour la mise en œuvre d’opérations d’aménagement complexes. Cette mesure est d’application immédiate.

Réforme du contentieux de l’urbanisme 2018

Quelques avancées d’ores et déjà applicables pour accélérer la procédure

En matière de contentieux de l’urbanisme, le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 vient de modifier la partie réglementaire du Code de Justice administrative et du Code de l’urbanisme.

Ces nouvelles dispositions, désormais applicables à toute nouvelle requête enregistrée à compter du 1er octobre 2018, font suite au rapport du groupe de travail présidé par Madame Christine Maugüé, conseillère d’Etat, ayant formulé des « propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace ».

L’objectif, certes louable, n’est toutefois pas pleinement atteint. Il convient ici de retenir, de manière synthétique et non exhaustive, les avancées suivantes :

1. Nécessité pour le requérant de justifier in concreto de sa qualité et de son intérêt à agir

A peine d’irrecevabilité, la requête en annulation d’un arrêté valant permis de construire doit être accompagnée de l’acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant (titre de propriété, promesse de vente, bail…).

Pour une association, la requête doit être accompagnée, toujours à peine d’irrecevabilité, des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture. (Article R.600-4 du Code de l’urbanisme)

2. Nécessité pour le requérant de confirmer sa requête au fond, passé l’éventuel rejet de la requête en référé suspension

A peine de désistement d’office, le requérant doit, en cas de rejet de sa requête en « référé-suspension » motivé par l’absence de moyen propre à créer un doute sérieux, et sauf éventuel pourvoi, confirmer sa requête au fond devant le Tribunal, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance. (Article R. 612-5-2 du code de justice administrative)

3. « Cristallisation » automatique des moyens

Passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, il n’est plus possible d’invoquer de moyens nouveaux. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

4. Limitation à dix mois du délai de jugement

Le Juge de première instance, comme le Juge d’appel, se doit désormais de statuer dans un délai de dix mois sur les recours contre un permis de construire relatif à un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. (R. 600-5 du Code de l’urbanisme)

5. Réduction, d’un an à six mois, du délai de recours après achèvement

A l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’achèvement de la construction, aucune action en annulation du permis de construire ne peut plus être engagée. (Article R.600-3 du Code de l’urbanisme)

La toute prochaine Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » portera elle-aussi son lot d’évolutions. Toujours avec le même objectif. A suivre donc.